CHANSONS EN BRETON SUR FEUILLES VOLANTES
Texte de la chanson Article de Musique Bretonne Sites web relatifs Chanson consacrée aux pierres de croix (staurotides) que l'on trouve aux alentours de la Chapelle de Coadry, près de Scaër. Ces pierres, d'origine divine selon la chanson ont la vertu de protéger ceux qui les portent sur eux.........
Bulliou an Aotrou Christ
Gwerz pieuse, géologique et publicitaire...Thierry Rouaud, Musique Bretonne n°126 (Nov-Déc. 1993), http://www.dastum.com
Bulliou an Aotrou Christ fait partie des innombrables chansons sur feuilles volantes qui ont circulé en Bretagne pendant près de deux siècles. Cette chanson vante, en 88 couplets de 4 vers, les vertus et la puissance de la < pierre de Coadry, qui est censée protéger la vie et la santé de ceux qui la possèdent. La pierre de Coadry, connue aussi sous les noms de croisette de Bretagne, et pierre de croix, porte en minéralogie le nom moins évocateur de staurotide. Ce minéral brun rouge a la particularité de cristalliser en formant une croix de quatre ou six branches dont la taille peut atteindre plusieurs centimètres, la régularité des cristaux est telle que l'on pourrait penser à une roche polie et façonnée par l'homme. Les plus beaux spécimens viennent de la région de Scaër et en particulier du village de Coadry. bulliou est la forme bretonnisée du mot français, bulles, qui désigne les sceaux par lesquels les papes authentifient leurs écrits les plus importants. Le texte n'est pas signé, mais l'auteur se présente dans un couplet comme chanoine à Quimper sans donner d'autres précisions. Bien qu'ayant été rééditées plusieurs fois au cours du siècle dernier, les feuilles volantes de cette chanson indiquent toutes la mention " war eun ton nevez " (sur un air nouveau). Il est toutefois à signaler qu'une chanson du livret - Buez an Aotrou Sant Goulc'hen,, (011.124), édité par Lédan vers 1817, se chante sur l'air de Gouers Coadry,>, ce qui pourrait signifier qu'un air particulier existait et qu'il était assez populaire pour qu'on y fasse référence. bulliou an Aotrou Christ ne porte pas de date de composition mais la première version connue a été éditée, d'après Joseph Ollivier, par Yves Derrien, imprimeur à Quimper de 1779 à 1817, ce qui nous amène au moins à la fin du XVIllème siècle. Les versions successives sont d'Alexandre Lédan de Morlaix (en activité de 1805 à 1855), peut-être aussi de son fils
La staurotide est un silicate d'alumine et de protoxyde de fer présent dans les s schistes micacés, sa formation se produit sous l'action du granite. Les cristaux bretons sont connus depuis longtemps par les géologues (Dissertation de M. de Robien, 1751, Paris) et alimentent les collections minéralogiques. Le nom de staurotide a été proposé en 1792 mais celui de croisette de Bretagne reste plus connu. Les plus beaux spécimens proviennent de la région de Coray et de Scaër ainsi que de Baud (Talhouët). D'autres gisements, moins renommés, existent en Bretagne:
Finistère: Le Conquet (Porz-Liogan), Plogonnec, Morlaix (Forges-Neuves).
Morbihan: Guiscriff, Plouay, Rosporden, St-Nicolas, Moustoir-Ac.
Côtes d'Armor : St-Brieuc, Plouha, Ploubezre, Quinquis. (de 1855 à 1880).Pierre Lanoé qui acheta ensuite l'imprimerie et son fonds de feuilles volantes en produira deux versions entre 1881 et 1900. Il existe également une version écourtée (qui est présentée ici) sans nom d'imprimeur dont la typographie est plutôt celle de la fin du siècle dernier. Cette chanson s'est donc vendue pendant près d'un siècle et la majorité des rééditions connues ne viennent pas de Quimper, son lieu de naissance, mais de Morlaix où l'on peut supposer qu'étant moins connu, Coadry et les vertus de ses pierres trouvait une oreille plus attentive et par conséquent, un meilleur débouché pour la vente de la feuille.
Bulliou an Aotrou Christ peut être rangée parmi les textes à caractère publicitaire car le but de l'auteur est moins de faire une gwerz pieuse que d'attirer les pèlerins à Coadry par le biais des pouvoirs supposés des pierres de croix. Le chanoine quimpérois se livre tout au long du texte à un exercice difficile consistant à promouvoir un talisman en évitant de tomber dans une sorcellerie sulfureuse. Il se garantit très souvent en marquant l'acquisition, la possession et les résultats de la pierre par l'accomplissement d'actes religieux et la récitation de prières, il limite les bienfaits à la protection physique en se gardant de les étendre à la fortune, la puissance ou la séduction. L'argumentation employée est intéressante car elle ressemble trait pour trait à celle que l'on trouve aujourd'hui dans les encarts publicitaire destinés à vendre de miraculeuses croix, bagues, cristaux et médailles plus ou moins magnétiques. Les vieilles méthodes sont toujours valables : l'ancienneté, l'action en tous lieux, le danger du manque de respect, la notoriété ou la position sociale du fournisseur et des exemples concrets si possible nominatifs. La première partie de la chanson situe Coadry et énumère les indulgences et autres avantages spirituels destinés à ceux qui visitent la chapelle. Un rappel historique apprend que, ruiné en 1155, l'édifice n'est plus fréquenté avant 1405, année où le Christ envoya les pierres pour remercier un seigneur de Cornouaille d'y avoir prié. Les formes les plus courantes des staurotides sont décrites comme étant des croix, des couronnes d'épines, des clous et des images d'un trou fait par une lance. Après s'être présenté sans toutefois se nommer, l'auteur déclare avoir fait présent d'une pierre de Coadry au pape lors d'un voyage à Rome.
La seconde partie du texte est constituée d'exemples dont la valeur publicitaire a été définie plus haut. Les deux premières illustrations veulent prouver la puissance et le respect dus à un tel symbole :René Joannas perd la vue en jetant la pierre au lieu de la remettre à son vicaire, il reste aveugle jusqu'au moment où il en ramène une autre de Coadry.
Un certain René Jorant jette dans la rivière la pierre de Coadry appartenant à deux femmes de Vannes, il en tombe mort et depuis, les poissons de l'endroit entonnent 0 Crux Ave chaque Vendredi Saint.Spécimens de staurotides Les vertus de protection de la pierre étaient utilisées pour les nouveaux nés et les enfants. Dans le commentaire de la Galerie Bretonne de Perrin (éd. de 1834), Bouet précise que la pierre est fixée dans les vêtements pour protéger les petits, des frayeurs, des coliques, des sorts et des mauvais vents....
Dans la chanson, trois exemples sont consacrés à l'enfance : Marie Raoul, de Gourin, veut vouer son enfant muet au Diable mais, grâce à la pierre qu'il porte, le garçon retrouve la parole et chasse les mauvais esprits. Un enfant de Scaër tombé dans un puits est maintenu hors de l'eau par Jésus en personne jusqu'à sa délivrance. Marie Méné est sauvée par la pierre de croix d'un accouchement trop long et à l'issue certainement fatale. A la fin du texte, l'auteur, dans un résumé des propriétés de la pierre, mentionne, sans donner d'exemple, la protection contre les maux de ventre des enfants. La rage, fléau de l'époque, est considérée comme maladie diabolique, entre aussi dans le rayon d'action de la pierre de Coadry. Janet Le Gall de Saint-Brieuc est attaquée par un chien enragé qui lui saute à la gorge, la bête manque son but mais, dans son élan, avale la pierre de croix que la jeune fille portait autour du cou. L'animal retombe guéri sur ses pattes et la fille est sauve. Les deux derniers exemples, qui ont trait à la foudre et au naufrage enseignent que seuls les porteurs de la pierre sont bénéficiaires de la protection. A Nantes, la foudre frappe une église en faisant treize morts, le prêtre est projeté à un quart de lieue mais retrouvé indemne grâce à... A Concarneau, rnirai pour quatre matelots d'un combat naval g Pour terminer, le c pharmacien méticule les divers cas dans lesquels la pierre de Coadry fait merveille et n'oublie pas d'informer l'assistance que le pouvoir de la pierre s'entretient le plus simplement du monde en récitant dessus cinq pater et cinq avé chaque vendredi sans faute.Le caractère publicitaire et presque racoleur de la chanson est très apparent malgré son aspect religieux et la technique employée pour convaincre l'auditoire n'est pas plus grossière que celle utilisée en 91. On peut par ailleurs se poser la question de savoir si l'intention réelle de l'auteur n'était pas de rechristianiser une ancienne pratique de magie populaire ayant peu à peu échappé à la surveillance de l'église.
Thierry Rouaud,
Bibliographie
Dastum, fonds de chansons sur feuilles volantes.
J.Ollivier, Catalogue bibliographique de la chanson populaire bretonne sur feuilles votantes, Le Goaziou, Quimper 1942.
- 0. Perrin et A. Bouet, Breiz-Izel ou la vie des Bretons de l'Armorique (1834), ré éd. Soc. Archéo. du Finistère, Quimper 1962.
- - A. Lacroix, Minéralogie de la France, tome 1. Blanchard, Paris 1962.
- A. Cailleux et A. Chavan, Détermination pratique des minéraux. SEES, Paris 1968.BULLIOU AN AOTROU CHRIST
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Sites webs relatifs à Coadry, Scaër et aux pierres de croix Ces sites vous permettront de découvrir la région de Scaër et d'avoir des détails sur la chapelle de Coadry
http://panoramix.icomme.tm.fr/acorre/leguide/scaer/
http://www.croix-finistere.com/commune/scaer/scaer.html
http://www.bagadoo.tm.fr/fr/tourisme/laverte.index.html
Les staurotides, pierres de croix ou croisettes
http://perso.wanadoo.fr/armorique.mineraux/AccueilSuite.htmlhttp://www.pierre-de-croix.com http://r1m103.cybercable.tm.fr/photos/cristaux.html
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