CHANSONS EN BRETON SUR FEUILLES VOLANTES
Ensemble de trois articles publés par Serge Nicolas dans Musique Bretonne entre 1995 et 1996
1 - ,Chanson nevez composer var sujet eur Plac'h yaouanq,, (Ollivier N°; 431), dont il sera question ici. Derrière ce titre, relativement banal, se cache une chanson à propos d'une jeune fille cherchant un époux, cette chanson de 16 couplets énumère pas moins de 114 noms de communes trégorroises. (Musique Bretonne , mars-avril 1995, N°; 134) Consulter
2 - Chanson an diaoul arc'hantet, (Musique Bretonne , septembre-octobre 1995, N°; 137) Consulter
3 - Chanson eun den yaouank bet e ober tro Franç o clask eur Vestrez,, (Ollivier N°;370), de René Le Coz.(Musique Bretonne , mars-avril 1996, N°; 140) Consulter
On rencontre parfois, parmi les feuilles volantes, certaines qui comportent au sein du texte plusieurs dizaines de noms propres ou de noms communs. Il s'agit de chansons énumératives, l'auteur accumulant à plaisir des listes de noms propres ( en particulier noms de lieu ) ou autres. De prime abord, ces listes peuvent paraître soit rébarbatives, soit alourdir inutilement le texte, ou apparaître comme donnant seulement à l'auteur le prétexte de rimes faciles. Il s'avère, à la réflexion, que ces listes ont en fait l'intérêt de pouvoir nous donner un cliché linguistique de l'époque, ou sur des mots ou noms que nous connaissons ou qui sont sortis d'usage, c'est ce qui leur donne une valeur documentaire indéniable, et c'est ce qui fait l'intérêt de ces listes énumératives.
Une définition :
Il s'agit de chansons qui, sur un prétexte ou un argument quelconque, accumulent à loisir des listes de noms qui finissent par prendre le "devant de la scène", reléguant souvent le titre et l'argument réel de la chanson à des rôles secondaires.
La position des chansons énumératives
Il est difficile de savoir si le propos de l'auteur était simple ou difficile. Le prétexte le plus simple, à partir d'énumérations, est de fournir des rimes faciles et d'accumuler des couplets facilement. Ainsi par exemple dans une chanson citée plus bas, on trouvera des vers finissant par:
... Lezardreo ...
....Pontreo
puis, plus bas:
... da barous Prat,
... ar Chos Varchat,-
Ce qui, on en conviendra, est l'occasion, sinon le prétexte, à une rime toute trouvée. La raison la plus élaborée serait de faire l'étalage de connaissances de mots et noms exotiques et innombrables devant le public, pour l'épater et faire preuve de son talent.
La notion d'énumérations dans le domaine scientifique ou littéraire n'est pas récente. On en retrouve aussi, pour des raisons différentes, dans les généalogies par exemple, pour des raisons historiques dans certains cas, religieuses dans d'autres. Il est possible que dans ces cas il y ait là une trace de tradition orale visant à retenir des listes dans un but didactique, le pouvoir de répéter facilitant assimilation et mémorisation.
Citons deux exemples littéraires parmi bien d'autres dans la Littérature française : François Rabelais qui aime bien accumuler et énumérer de dizaines de noms, variantes, curiosités etc. ; et Emile Zola qui dans certains de ses romans ( "La faute de l'abbé Mouret", en particulier ) aime bien aussi accumuler des séries de noms, de fleurs dans le cas de l'exemple cité.
Distinction
Dans le domaine des feuilles volantes les énumérations doivent être soigneusement distinguées de trois autres types de références répétitives qui sont les suivantes:
1 - Les références littéraires, mythologiques ou religieuses multiples.
Ainsi par exemple dans Chanson Potret ar c'hlass seiz ha pevar ugnent, ( sic pour la faute d'impression dans le titre ! ), chanson signée Jean Yves Crom, N°; 490 du Catalogue de J.Ollivier, il y a au couplet 3 :
(..) Ma mije bet spered Voltaire, pe furnes Salomon,
Talanchou ar roue David, pouvouar Napoleon
Cet exemple n'est pas unique, loin de là, dans le domaine des feuilles volantes; et il s'agit souvent d'allusions de type littéraire avec rimes faciles en apparence.
2 - Les chansons à rimes ou vers répétitifs
Un des meilleurs exemples est Ar memez Tra,de Prosper Proux, qui, dans cette chanson, qui compare et le temps actuel et le temps passe, aligne à chaque quatrain le dernier vers suivant :
... "Vel en amzer tremenet, memez tra, memez tra. "
3 - Les chansons thaumaturgiques ou assimilées
Elles alignent souvent sur plusieurs couplets des témoignages, disant tous en substance : "un tel ou une telle, de telle commune, consacre son enfant à la Vierge de -X- et il est guéri d'une cruelle maladie de langueur...
Particularités des chansons sur feuilles volantes énumératives
Dans ces chansons, les énumérations prennent rapidement le devant de la scène. Pour autant, elles ne sont pas uniquement le prétexte à des rimes faciles, mais plutôt une preuve de virtuosité, l'auteur réussissant à caser les noms dans des vers de longueur fixe.
Trois exemples caractéristiques peuvent être cités
1 - ,Chanson nevez composer var sujet eur Plac'h yaouanq,, (Ollivier N°; 431), dont il sera question ici. Derrière ce titre, relativement banal, se cache une chanson à propos d'une jeune fille cherchant un époux, cette chanson de 16 couplets énumère pas moins de 114 noms de communes trégorroises.
2 - Chanson an diaoul arc'hantet, (Ollivier N°; 824B, édition Le Goffic).
3 - Chanson eun den yaouank bet e ober tro Franç o clask eur Vestrez,, (Ollivier N°;370), de René Le Coz.
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Une leçon de géographie trégorroise en Breton, à propos de:
"Chanson nevez composet var sujet eur Plac'h yaouanq"
Cette chanson de 16 couplets, à propos d'une jeune fille cherchant un époux, énumère 114 noms de communes trégorroises. Elle pourrait presque passer pour un cours de géographie, ne serait ce que pour apprendre les formes bretonnes des noms de communes. Cette chanson est construite comme une sorte de parcours qui, après un premier couplet introductif, commence un parcours quasi géographique, avec des indices montrant que l'auteur connaissait bien les lieux dont il parle.
Trois allusions à un conflit national seront mises en lumière; elles parlent d'un conflit métropolitain, antérieur à 1900, non précisé. Ollivier mentionne (N°; 431,p.101) une possible édition antérieure à celle de chez Le Goffic, venant de chez Lédan, qui ne pourrait dépasser 1880. Ces allusions peuvent donc concerner la guerre de 1870, ou un conflit métropolitain antérieur. Les couplets ne sont pas numérotés sur la feuille volante , ils le sont ici par commodité. L'orthographe est celle de la feuille volante. Il est utile aussi d'indiquer entre parenthèses au bas du couplet le "décompte" de communes citées.
CHANSON NEVEZ - Composet voar sujet eur PIac'h yaouanq
1 - Chilaoet eur chanson nevez composet d'eur plac'h,
Quement parous zo en Treguer e eo bet o clasq eur goas
Ha tout a leveront dezi ne ra nemert coll e foan;
Nombr demeus a voerzet yaouanq ha d'ar brezel ha d'an tan
2 - Quent evit commans henvel goerset St Vaze, Montroules,
Habillet guisquet excellant a sellont outi a dreus.
Potret yaouanq Sant Malane na nint qet groet eviti,
Plouyan; Garlan ha Plouezoc, re Plouganou a lar foei
3 - En Guimec pe en Loquirec pe en Lanmeur rei e zol
Mare deufe eur serviger a helen escopti Dol
Tremen a rayo Pommeno, eviti da vean plac'h fin,
Potret Plegat, e renvoya da Tremel ha da Blistin
4 - En Tredrez hac enn Treduder a man ar goerset en o aes
Dreist al leo a renqo saillial da bourg Lok-Miquel-an Trez;
En Plomilliau en Loguivy a oelo meur a hini
En Plourec'h ac en Lannuon, mes nint qet groet eviti
5 - A Plouber, a Berlevenez a ro ar gos dei ar goerset,
Cavan, Bullien a Caouennec, Sant-Quay, Perros a Louannec;
Trelevem ha Pleuveur-Bodou, Servel, an Treo, Coatreven,
Trebeurden, Camlez, Quemperven pa e goelont a dro o fen.
6 - Plouzelambre, Rospez, Trezeni, Lanvilin a Penvenan ,
A lar dei ar goerset yoanq, mont da Landerneau d'an c'han;
Re Lanvezec ha re Langoat deus anezi a ra goab
Re ar Minihy a Landreguer na alqet dont do atrap.
7 - Pleubian, Plougrescant, Tredarzec, Plouguiel,coste Landreguer,
Na gafe qet eur garante, et a voant tout d'ar frontier,
Da Droguery, da Bouldouran, da Bleuveur, da Lezardreo.
En Planiel e man ar goerset ac e renvoy da Pontreo
8 - Da Sant Cleve ha da Qemper d'ar Faoêt ha da Blouec,
Sant Gili, Treverer, Squiffiec, Peurit (39), Mantallot, Berhet,
Goudelin a Landebaêron, Gouanach ha Trezeni;
Runan, Ploezal, a Peuvent, a d'en Roc'h a tremeni.
9 - Da Coatascorn, da Tonquedec, da Tregrom, da barous Prat,
Bolean, Lanneven, Guenezan, Plunet hac ar C'hos-Varc'hat
Enn Plouaret, enn Lanvelec, a esper ober e zol,
Ma na gaf e douz en Treger a hei en escopti Dol.
10 - En Lanvellek a teu ar goerset da credi na neo qet fur,
Hac o deveus-hi renvoyet d'ar barous d'eus a Plufur
De Plougonver da Bothorel a renq querzet anterin
Ac'hane a voe renvoyet d'an barous a Guerlesqin
11 - A Guerlesqin an dud yaouanq e renvoyent da Blougras,
Ac'hane a voe hargesset dre Dresne renq mont a mes;
Ebars ar parous Loguivy. pe en parous Plounevez,
En Locquenvel pe en Benec'h a song cat eur garantez.
12 - Ac'hane a teu an goerset adare de n'em sevel,
Hac o deveus hi hargasset de vont de Gurunuel
Ac'hane e renq decampi buan e leger e droat
Dre Mousteru e passaes d'ar barous a Bourbriac.
13 - Enn Bourbriac an dud yaouanq a clasq terrîn dei e c'hoant
E renvoyas de Sent Croe ha d'ar guer deus a Gwengamp,
An dud yaouanq a voa fechet ous e guelet deut en quer
Hec o deveus-hi renvoyet dreist ar pont e Loc-Miquel.
14 - Ac'hane e ha de Sant-Salver d'ar paroujo tro voar dro
Da Blouisi,da Dagenet, de Goadout ha d'an Botcao
En Plougonven, en Plesidi e reont dei Talandrel,
Ma redas dre coat Malane voar du Plegat ar C'hastel
15 - Ac'hane e voe renvoyet d'ar guer a Castelaudren,
Cetu fin d'escopti Treguer c'hoas ne deveus cavet den;
C'hoas oman ne gaffe hini, Vuenet, Keme a vouelo,
Cals dimes a voerzet yeouenq e so heul an armeou
16 - Ne vezet re difficil me ho ped merc'hed yaouanq,
Cals a dud a so distrujet er brezel e bloa presant
A oar a ouelet a choaser peb guellan da vont d'an gann,
Rac se ta quenta me elfet attrappet peb unan.
Notes...
Couplet 1 : Première des allusions à une guerre. Sans davantage de précisions ; vu l'époque antérieure à 1900, et le fait qu'il est dit plus bas "d'aller à la frontière" il peut s'agir de la guerre de 1870-1871.
Couplet 2 : Le parcours commence dans le quartier de Morlaix, preuve que l'ancienne appartenance de cette partie du Finistère au Trégor est bien ressentie, la rive ouest du Queffleuth n'est pas citée et on reste à l'écart de Locquénolé, Taulé et Ste Sève.
* Montroules: Morlaix.
* Ploujean
* L'oubli du c'h dans Plouezoc est peut-être une coquille.
* Plouganou, dont la prononciation bretonne correspond à un 'an' avec voyelle nasalisée, prononcée comme dans le mot breton 'tan'. En français, ce nom est prononcé comme il est écrit ici, mais avec le 'a' séparé du 'n', c'est à dire sans nasalisation. La graphie française actuelle : Plougasnou, dérive d'un ancien Plougaznou, lui-même venant d'un plus ancien Plouga"th"nou, avec un 'th' comme dans l'Anglais'this'.
Couplet 3 : situé entre Morlaix et Plestin.
Guimec: Guimaëc, qui s 'écrivait autrefois Guimec'h.
Il est difficile de dire si Dol vient juste pour la rime ou pour une autre raison. En effet, le souvenir des enclaves diocésaines de l'Évêché de Dol en Basse-Bretagne, sous l'Ancien Régime, étaient parfois encore vivaces dans les mémoires.
il s'agit de Pont Menou, entre Lanmeur et Plestin qui marque la limite Finistère - Côtes d'Armor.
* Plouégat-Guérand.
* Plestin les Grèves.
Couplet 4 : Lannion et alentours à l'Ouest.
* Lok-Miquel-an Trez : St Michel en Grèves, noter que, en parlant de la lieue de grève entre St Efflam et St Michel le texte dit : "dreist al leo a renqo santal da bourg LocMiquel, (sauter par dessus la lieue de grève jusqu'au bourg de St Michel), ce qui indique bien que l'auteur connaissait le coin.
* Plomilliau : Plomiliau. est une graphie ancienne pour Ploumilliau. A moins qu'il y ait là encore une coquille, car une autre version de la feuille volante porte, elle, "Ploumilliau". En ce qui concerne la prononciation, 'Ploumilliau' se dit en breton 'Plouillo'.
* Loguivy lès Lannion.
* Plourech est la prononciation des bretonnants âgés (60 ans et plus) pour Ploulec'h.
* Lannion.
Saint Michel en Grèves et l'escalier de Brelevenez (Début du XXème siècle)
Couplet 5 : alentours de Lannion au Sud, Nord, Est. Un des couplets les plus fournis avec 16 noms.
* Plouber : Ploubezre, avec là encore une écriture euphonique, la graphie française s'appuyait sur un Plou-Bezre, forme mutée de Pezre pour 'Pierre'.
* Berlevenez : Brélévénez, "colline de l'allégresse", la prononciation bretonne a fait depuis longtemps la métathèse de Bre - en Ber- .
* Bullien : Buhulien.
* Saint Quay Perros
* Perros - Guirec.
* Trévou
Les autres noms sont clairs.
Couplet 6 : localisé entre Lannion et Tréguier.
* Lanvilin: Lanmérin.
Il est curieux que dans le cas de Penvenan la graphie officielle soit utilisée, alors qu'ailleurs c'est plutôt une transcription du langage parlé dans lequel le changement de Pen' en Per- avant consonne (r) ou semi-consonne (w) s'est fait, depuis longtemps dans le cas de Perros par exemple, mais aussi pour Penvénan, prononcé Perwenan.
Ce couplet parle de Landerneau, avec l'expression : "mont da Landerneau d'ar chan", dont l'équivalent le plus proche serait : "aller siffler sur la colline". En effet, le langage parlé utilise souvent une expression "kas unan bennag da gana" qui signifie littéralement "envoyer balader quelqu'un".
* Lanvezec: Lanvézéac.
* Landreger: Tréguier.
Couplet 7 : situé dans la partie Nord du Trégor, autour du Jaudy et de la Presqu'île Sauvage.
En principe, Pleubian se dit "Pleuvian". De même, Plougrescant se prononce "Plougouskan" ou "Plouvouskan".
en principe, Plouguiel se dit "Priel".
Deuxième des allusions à une guerre qui doit être en principe métropolitaine puis qu'il est dit : "à la frontières".
* Pleumeur-Gautier
* Lézardrieux
* Planiel : Pleudaniel. Il est curieux que l'auteur utilise ici la forme prononcée alors qu'ailleurs il prend la forme française.
* Pontreo: Pontrieux.
Couplet 8 : Localisé en gros autour de Pontrieux. Il est curieux que le Goélo ne soit pas même mentionné.
* Sant Cleve: Saint Clet
* Gemper: Quemper Guézénnec
* ar Faoët : il s'agit du Faouët près de Pléhédel.
* Plouec : il peut s'agir plutôt de Plouec, près de Brélidy, que de Plouézec "Plouec ar Mor" , qui est en Goélo.
* Sant Gili: Saint Gilles des Bois, près de Trévérec
* Peurit : le suffixe n'étant pas donné, vu la proximité avec St Gilles, il doit s'agir de Pommerit-leVicomte, Pommerit (- Jaudy ) étant cité plus bas avec La Roche.
* Gouanach: Gommenec'h
* Peuverit.
* Ar Roch: La Roche Derrien.
Plouaret, la fontaine St Jean Couplet 9 : revient vers l'Ouest, presque à la limite du Finistère, dans le canton de Plouaret.
* Botean : Botlézan, près de Bégard.
* Plunet: Pluzunet
* ar Chos-Varchat : le Vieux-Marché; qui se dit d'habitude : "ar C'houerc'had,"
Deuxième allusion à Dol, qui ne vient ici qu'en rime avec "e zol", comme la fois précédente (voir note 7).
Couplet 10 -. mis à part Lanvellec et Plufur, ce couplet se situe entre Belle Ile en Terre et Guerlesquin.
Lanvellec et Plufur, entre Plouaret et Plestin, ne semblent être mis ici que pour introduire une rime facile avec "fur".
Noter les variations d'orthogaphe dans la feuille volante avec "Lanvelec" à un couplet, et "Lanvellek" au suivant.s'il n'y a pas de faute d'impression, bien qu'il y ait Plougonven au delà de Guerlesquin et Botsorhel, il s'agit de Plougonver bien que ce quartier soit plutôt exploré au couplet suivant.
* Bothoret: Botsorhel.Couplet 11
* (an) Dresne : le Dresnay, entre Loc-Envel et Loguivy - Plougras.
* Loguivy - Plougras.
* Plounevez - Moëdec.
* Benech: Belle Ile en Terre.Couplet 12 : passe rapidement sous Guingamp en passant ar Gurunhuel et Moustéru pour arriver à Bourbriac.
* Gurunhuel. (les autres noms sont assez clairs).
Couplet 13 : reste à Guingamp et environs.
* Sant Croe : Sainte Croix (faubourg de Guingamp).
* ar pont a Loc-Miquel : le Pont St Michel sur le Trieux, à Guingamp.Couplet 14 : Guingamp a réellement droit à un traitement de faveur : c'est pratiquement le 3' couplet qui tourne autour !
allusion au prieuré de Saint Sauveur à Guingamp.
Ici il semble bien s'agir d'un "parcours" autour de Guingamp, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, débutant à Plouisy, puis le Danouët ( hypothèse pour Daneget, à l'Ouest de Guingamp, à ne pas confondre avec le Danouët, au sud, en dessous de Bourbriac) ; puis Coadout , Botcao (?), mais que vient faire là Plougonven, près de Morlaix ? Ensuite Plésidy, Talandrel , difficile à identifier à moins qu'il ne s'agisse d'une expression. On signale une autre version de la feuille qui donne "Talandael" (version Veuve Le Goffic, comme celle qui donnait ,Ploumilliau,). Ensuite Malaunay, entre Guingamp et Plouagat, à l'Est de Guingamp, puis Plouagat, Châtelaudren, appelé habituellement Kastel-Audren.
Couplet 15: amorce la conclusion.
* Châtelaudren trouve ici son nom complet.
* Vuenet : le Vannetais (bro Wened).
* Kerne : la Cornouaille (bro Gerne).
* vouelo: le Goélo (entre Paimpol et St Brieuc). C'est sans doute par faute d'impression qu'il n'a pas le droit à la majuscule.Encore trois allusions à la guerre, qui apparemment n'a pas l'air de bien se passer: "Cals a dud a so distrujet er brezet e bloa presant" ; beaucoup de gens tués.
la morale finale est plutôt concise....Pour conclure, et en guise d'index, on peut dresser facilement ici la liste des noms de commune et la façon dont ils sont traités, sans tenir compte des coquilles et fautes d'impression éventuelles : ceux qui sont donnés dans leur forme française, ceux de forme équivalente, et ceux dans leur forme bretonne.
Tréguier, l'entrée de la ville vue du port (début XXème)
Formes françaises et Formes bretonnes
Plomiliau ou "Poumilliau" : Plouillo
Penvenan : Perwenan
Pleubian : Pleuvian
Plougrescant : Plouvouskan, Plougouskan
Plouguiel : Priel
Bourbriac : Boulvriag
Plésidy : Plejidi, Plijidi
Ploezal : Pleuzal
Sur ces formes typiquement française, on remarquera qu'elles sont rares tout d'abord, et dispersées à l'Ouest (Ploumiliau), au Sud (Bourbriac, Plésidy), au Sud-Est (Ploezal) et au Nord (Plougiel, Plougrescant), à moins que l'auteur vienne justement du centre géométrique ; on a déjà signalé le "traitement de faveur," de Guingamp et de ses environs (sauf Plésidy), pour qu'on en puisse faire une simple question de méconnaissance des autres terroirs, l'auteur citant en français les communes dont il ignore le nom en breton (il ne faut pas croire qu'autrefois, les bretonnants natifs, exclusifs, connaissaient intégralement tous les noms de terroirs en breton, ils se bornaient, par force, à ceux que leur famille ou l'entourage leur avait transmis, et à ceux dont ils entendaient parler eux-mêmes.
Ces noms de forme "équivalente" sont délicats à traiter, car la question d'une orthographe normalisée bretonne ne se posant pas à l'époque, la façon dont ils sont écrits ici peut se prononcer en breton sans grande différence. Mais cela ne donne pas leur prononciation d'époque.
Graphie "équivalente" dans les deux langues
Plouganou Cavan Garlan Trezini Plouezoc'h Locquirec Guimec Lanmeur Tremel Tredrez Treduder Loguivy Ploulec'h Caouennec Louannec Trelevern Servel Coatreven Trebeurden |
Quemperven Plouzelambre Rospez Minihy Tredarzec Troguery Pouldouran Quemper (Guezennec) Treverec Squiffiec Mantallot Berhet Goudelin Landebaëron Plouec Runan Coatascorn Tonquedec Tregrom Prat |
Guenezan Camlez |
Il n'en est pas de même des graphies typiquement bretonnes, non prononcées comme telles en français et bien connues des bretonnants eux-mêmes
Graphie bretonne : forme française
Montroules : Morlaix Sant Malane : Malaunay Plouyan : Ploujean Pommeno : pont-Menou Plegat : Plouégat Guérand Plistin : Plestin Les Grèves Lok-Miquel-an Trez : Saint Michel en Grève Lannuon : Lannion Plouber : Ploubezre Berlevenez : Brélévenez Bullien : Buhulien Sant Quay : Saint Quay Perros Perros : Perros Guirec Pleuveur-Bodou : Pleumeur Bodou an Treo : Trévou Tréguignec Lanvilin : Lanmérin Lanvezec : Lanvézéac Landreger : Tréguier Pleuveur (-Gaotier) : Pleumeur Gautier Lezardreo : Lézardrieux |
Planiel : Pleudaniel Pontreo : Pontrieux Sant Cleve : Saint Clet ar Faoët : Le Faouet Sant Gili : Saint Gilles Les Bois Peurit : Pommerit le Vicomte Gouanach : Gommenec'h Peuverit : Pommerit Jaudy ar Roc'h: : La Roche Derrien Bolean : Botlézan Plunet : Pluzunet ar C'hos-Varc'hat : Le Vieux Marché an Dresne : Le Dresnay Benec'h : Belle Ile en Terre Sant Croe : Sainte Croix Gwengamp : Guingamp Sant-Salver : Saint Sauveur Dagenet : Le Danouët Malane : Malaunay Plegat : Plouagat Castelaudren : Châtelaudren |
Cette liste parle d'elle-même. Les noms de forme bretonne ou équivalente dominent de façon écrasante, et pour ceux de forme française, on ne sait la raison de leur emploi. Il n'y a aucune nécessité apparente, même poétique (c'est à dire métrique, nombre de pieds, etc.).
Serge Nicolas
Bibliographie
Dastum : Fonds de feuilles volantes
J.Ollivier: Catalogue bibliographique de la Chanson Populaire Bretonne sur feuilles volantes - 1 vol., éditions Le Goaziou, Quimper, 1942.
B.Jollivet: Côtes du Nord - Côtes d'Armor Vol III & IV - rééd. Res Universis, Paris, 1990.
À suivre ...
2 - "Chanson an diaoul archantet" (Ollivier n'824B, édition Le Goffic), cette chanson, à propos de la recherche de l'argent qualifié de "diabolique" en profite pour énumérer 94 noms de métiers, actuels ou disparus.
3 - "Chanson eun den yaouank bat a ober tro Franç o clask eur Vestrez" (Ollivier n'370), chanson de René Le Coz. Comme l'indique son titre, cette chanson énumère 57 noms de villes de France et aussi de Bretagne, cette chanson étant centrée sur le Trégor aussi, dans la région de Coatréven - Lanmérin.
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Les chansons énumératives sur feuilles volantes, 2ème partie
On rencontre parfois, parmi les feuilles volantes, certaines qui comportent au sein du texte plusieurs dizaines de noms propres ou de noms communs. Il s 'agit de chansons énumératives, l'auteur accumulant à plaisir des listes de noms propres. Serge Nicolas nous présente ici une nouvelle étude d'une chanson sur feuille volante: "Chanson an Diaoul Arc'hantet" (voir précédent article N°;134 de Musique bretonne -pages 8 à 12).
Ces "listes" ont l'intérêt de pouvoir nous donner un cliché linguistique de l'époque, ou sur des mots ou noms, que nous connaissons ou qui sont sortis d'usage, et c'est ce qui fait l'intérêt de ces chansons.
Micheriou koz e brezhoneg Ou Apprenons les noms de métiers en breton, à propos de
"Chanson an Diaoul Arc'hantet"
(Ollivier N°;824B, édition Le Goffic)
Dater cette chanson est plus difficile que la précédente faute de références internes. Ce serait pourtant intéressant pour savoir à quelle époque remonte ce "cliché linguistique".
Les premières versions possibles sont de chez Lédan (Oll.N°;296A). Comme la marque d'imprimeur ne parle pas de la rue du Pavé ni de la rue du Mur à Morlaix, il est possible que cette édition date de 1850 environ. La feuille est en effet imprimée avec une chanson, "Exempl eus a eun den a Jugon ...'qui figure elle dans les Manuscrits Lédan à Morlaix, et qui sont eux antérieurs à 1850.
L'orthographe elle-même a un caractère archaïque, on s'en rendra compte ci-dessous, avec des "laqat', "guér", et les terminaisons en '-ec'. On remarquera que dans l'édition Le Goffic, il y a si l'on peut dire des fautes révélatrices avec "redeg" (courir) au premier couplet, "redec" au septième, preuve que le compositeur du texte sentait instinctivement le besoin de corriger cette orthographe pour lui déjà archaïque.
On remarquera la longue survie de cette chanson, puisque passant de Lédan à chez Le Goffic, le fonds est ensuite repris par Mlle C. Duchemin (Oll.N°;824Bc) qui réédite les feuilles. D'après Ollivier ces rééditions ne seraient pas postérieures à 1914 environ. De 1850 à1914, cela fait tout de même plus de 60 ans! Le "cliché linguistique" en question pourrait donc remonter au milieu du XIX0 siècle.
Présentation de la chanson.
Sous le prétexte de la quête éternelle de l'argent, qualifié de "diabolique" dans toutes les professions, cette chanson de 12 couplets en profite pour énumérer 94 noms de métiers. Ceci est pour nous une véritable aubaine; car il y a certes des métiers connus dans cette liste, mais aussi d'autres qui sont anciens ou sortis d'usage et c'est pour nous l'occasion de les répertorier. On peut être déçu par le fait que les noms cités sont parfois francisés et que les stricts équivalents bretons manquent, mais la feuille est ainsi.
CHANSON AN DIAOUL ARC'HANTET
Couplet 1
Da viret na stacac'h ho calon
Re oc'h an arc'hant, Bretonet,
Clêvit eur chanson composet,
Troet a c'hallec e brezonec,
Grêt var sujet eul loen arc'hantet,
Deguiset e form an drouc-speret,
Hac o sonjal attrap an arc'hant,
Nombra dud a yeas d'e redeg.Couplet 2
Bez'ez oa eus a bep seurt micher
Hac eus a bep condition
O redec an Diaoul arc'hantet,
Ma vennent terri o c'halon,
A bep etat, nobl ha partald,
Bourc'hisien, paysantet, hac a bep stad,
Hac ezec'h, graguez ha plac'het,
A rede da glas e attrap.Couplet 3
Ur chirugien, un apotiqoer,
Ur medecin, un avocat,
Un noter hac ur procurer a
D'e redeg a daol o dillad,
Hac ur greffier hac un huissier,
Ur Serjant, ur recor hac un archer;
A yea varlec'h an Dîaoul arc'hantet,
Ur pifrer hac un tambouriner.Couplet 4
Ur grossieres, ur mercer, ur c'haner,
Abandonas o boutiqou,
Evit sonjal attrap an arc'hant,
Da vont da redec dre ar ruyou;
Ur c'hontreporter, ur c'hincailler;
Ur sculpter, ur broder hac ur pinter;
A voe varlec'h an Diaoul arc'hantet
Dre guement gom a voa en qêr.Couplet 5
Ur marc'hadour lien hac un drapier,
Ur c'halvez hac ur munuzeres,
Ur poder sten hac un ofreber
Ur c'hoataer hac eur chodronier,
Ur fourbisser hac ur guiader,
Ur brider, un diber hac ur barbier,
A red,o sonjal e drouc'ha Emezan, gant e razouer.Couplet 6
Ur marechal hac ul labourer,
Un tosser hac un armurier,
Ur c'hiviger hac ur botaouer,
Hac ur piqer hac un toer,
Ur piqer-men hac un tacher,
Ur marc'hadour a bep sort liqeur,
Ur martolot hac ur maltoutier,
A ye var e lec'h hac ur c'hoarier.Couplet 7
Ur frippier hac ur frippieres ,
Ur varc'hadoures a besqet,
Ur marc'hadour soa, ur golaouyer,
A yas Oll dre guêr o redec,
UI laonvier hac eur c'honteller,
Un operatour hac ur mestr danser,
Ur filouter neud eo ar goassa,
Oc'h e redec partout dre guêr.Couplet 8
Ur jardiner hac ur maçonner
Ha marc'hadour a bodou pri,
Ar boulanger mar guell e attrap,
El laqay er forn da zevi,
Ur c'here hac ur c'hemener,
Ur pastessier hac un traiter,
A red varlec'h e clasq e hacha;
E ziouesqel a so re lijerCouplet 9
Ur varc'hadourez a oranjes,
Prun, rêsin hac a figues,
Hac eun all a verze avalou,
Hac eun all a verze crampoez,
Ur c'honfiturier, ur sucrier,
Ur perruquener hac un oublier,
Ur miliner mar guell e disout,
A lavar a rêi e valeur.Couplet 10
Ur boneder hac ive eur gorer,
Hac ul lemmer ar c'hontellou,
An ini a ampoeson ar razet,
Ar rincer a chiminalou,
Marc'hadour an allumettes
A rede dre ar foul evit nep pres,
Gant un eteo tan ac ur paqad,
O sonjal dêvi e vraguezCouplet 11
Ur c'higuer hac ive un tavernier,
Ur pesqetaer ur passajer,
Ur paperer hac ur pillaouer,
Hac ur furic hac ur spazer,
Ur violancer ur biniaouer,
Ur flutter hac ur bombarder,
A voe cos n'allent quet e baqa;
Re a reant o sonch dre guer.Couplet 12
Achap a eure an Diaoul arc'hant
Eus a guêr da vont ar meaz
Hac un usuiller var e valeur
En deus-en anfermet en e bres;
M'en dalc'h eno betec ar maro,
Ma quittas an usullier e vro;
Allas ! O re garet an arc'hant
Eo bet ét an ty oc'h an traou.
Les couplets ne sont pas numérotés sur la feuille volante, ils le sont ici par commodité. L'orthographe est celle de la feuille volante. Il est utile aussi d'indiquer entre parenthèses au bas du couplet le "décompte" des noms de métiers cités.
Notes:
Les deux premiers couplets servent d'introduction, les énumérations de métiers ne commencent réellement qu'au troisième.
Couplet 1
Il y a ici une coquille, il faut lire: stacfac'h, "attacherait", et non stacac'h. Au moins ici la source est clairement indiquée.
Couplet 3
Il est curieux que l'auteur commence par des professions libérales, et en fait suivre d'autres, pas particulièrement appréciées en général. Faut-il en conclure qu'il s'agit de corps de métier avec lesquels il avait eu maille à partir?
Ces premiers noms sont clairs : chirurgien, pharmacien, médecin, avocat, notaire, procureur.
Il ne s'agit pas ici de se déshabiller, mais probablement de "jeter son habit", qui est, pour ces professions, l'insigne de leur métier (voir par exemple la robe d'avocat).
Le "serjant", dans ce contexte, doit désigner un gradé de police ou de gendarmerie.
Le mot français "recors" (cf. Dict. Larousse) est un mot un peu vieilli, (on le retrouve dans Molière), qui qualifie un auxiliaire de justice qui accompagne l'huissier.
"Archer" : sert encore actuellement à désigner le gendarme.
Les joueurs de fifre et de tambourin.
Couplet 4:
Un grossiste ou ouvrier en gros ouvrage ;
Un mercier
Chanteur, quoiqu'il soit difficile de concevoir que le chanteur ait une boutique, comme il est dit au vers suivant.
Mot difficile à interpréter : colporteur ou contremaître ? L'origine française est nette. Le quincaillier On reconnaît facilement le sculpteur, le brodeur et le peintre.
Couplet 5:
Marchand de linge, drapier, charpentier et menuisier;
Le potier d'étain, actuellement cantonné à des productions de luxe, était plus répandu autrefois ;l'orfèvre, le terme est vague:
"ouvrier du bois" (ébéniste ?), ce qui est différent du menuisier ("kilvicher") et du charpentier ("kalvez").
Chaudronnier, le fourbisseur s'occupait d'armes blanches en général (épées, sabres...),tisserand, bourrelier
"Diber" est l'équivalent de "dibrer", (sellier), dans le contexte avec le bourrelier cela semble assez net. Le barbier est bien connu, ainsi que son instrument de travail, le rasoir, "razouer".
Couplet 6:
Le laboureur vient après le maréchal-ferrant.
Le "tosser" pourrait être un palefrenier. L'armurier vient avant le tanneur et le fabricant de chaussures ou savetier. Le "piqer" est un piqueur, sans précision. À moins qu'il ne s'agisse de celui qui "pique" les ardoises, dans le contexte, couvreur.
Ne pas confondre celui qui "pique les pierres", qui met en forme les pierres de taille, et le carrier ("mengleuzier", non cité ici). Noter que la profession de la pierre a produit quelques beaux spécimens de chanteurs et de chansons. Citons ici, brièvement faute de pouvoir s'étendre, un chanteur vivant bien connu, Jean Marie le Scraigne, du Huelgoat ; Yves Hernot (1820-1890) de Plouaret, maçon puis sculpteur de calvaires, auquel J. Le Minoux (1827-1892) le chanteur bien connu de Pleumeur-Gautier, consacre une chanson (voir 011. n0975, chanson qui bat tous les records de longueur avec 317 quatrains ! ); et qui écrit lui aussi "Kanaouen nevez greet gant lann ar Minouz diwarbenn ar Ridelaer hac ar Piker-men" (Oll.N°;164). Citons Emile Nicol (1866-1939), de Plouaret (au sujet d'Emile Nicol, voir l'article de D.Giraudon dans Musique Bretonne, N°;20, 1981) ; citons aussi Hyacinthe Le Vaou (1888-1956), une aveugle de Plouguiel, qui avait comme travail de "piquer les pierres" au bord des routes et composait ses chansons, si l'on peut dire, chemin faisant. (voir Ollivier);Cloutier, marchand de spiritueux, matelot, douanier (du Français "maltôte") ;joueur, comédien.
Couplet 7:
On a droit ici au couple, le fripier et la fripière. Poissonnière, marchand de suif (actuellement disparu), ainsi que le fabricant ou marchand de chandelles. Le mot "laonvier" doit comporter une faute d'impression. Si on lit "loavier", fabricant de cuillers et ustensiles de bois, cela va avec le coutelier . Le mot "operatour" est plus difficile,, dans le contexte avec le " maître à danser" il pourrait s'agir d'un directeur d'opéra ou fonction analogue, mais cette profession est rarement documentée, dans le milieu bretonnant de l'époque, et pas plus actuellement.
Fileur de fil ("neud", à prononcer 'neutt'), et non pas de laine ("gloan").
Couplet 8:
Le jardinier, maçon, marchand de pots en terre, boulanger, cordonnier, tailleur, pâtissier, traiteur
Il est difficile de savoir aux ailes de qui il est fait ici référence (diweskel). À moins que ce ne soit une fine allusion aux "vol-au-vent" qui étaient la principale production des pâtissiers-traiteurs autrefois le dimanche ?
Couplet 9:
Il s'agit d'une vendeuse de fruits qui, à l'époque, étaient "exotiques", sauf peut-être les figues en certains points du littoral. Ce type de professions ne pouvait s'exercer qu'à titre saisonnier. Noter d'ailleurs que la marchande de pommes est citée à part, ce qui indique bien la différence du type de produit et du marché auquel il s'adresse.
La marchande de crêpes, encore bien vivace ; ces noms désignent pour nous plus des ustensiles de table que des métiers...perruquier (ce qui contribue aussi à rendre la chanson un peu plus ancienne, à moins qu'il y ait là archaïsme voulu).
Le fabricant d'oublies, (sortes de petits pâtés roulés), avait au Moyen age et apparemment ici jusqu'au XIXème siècle, autant d'importance que les tristes "fast food" actuels... Quoi qu'il en soit, le terme vient clairement du français meunier.
Couplet 10:
Le bonnetier, trayeur de vaches (en principe le vacher s'appelle "paotr saout" tout simplement) ; repasseur de couteaux, marchand de poison à rats, fumiste (au sens propre !).
Le marchand d'allumettes, dans les deux derniers vers, malgré l'orthographe fantaisiste, on comprend qu'il est question du marchand d'allumettes qui traverse la foule en courant avec toujours du feu et un paquet d'allumettes, au risque de mettre le feu à son pantalon !
- A propos d'allumettes qui s'enflamment spontanément, voir aussi Musique bretonne, N°;121, Janv.Févr.1993.
Couplet 11:
Le boucher
Le tavernier
Le pêcheur
Il s'agit du passeur (voir les nombreux lieux-dits au bord des rivières s'appelant "Le Passage", indiquant qu'autrefois s'y trouvait un passeur, que l'on appelait d'un bord, quand il était de l'autre côté, au moyen d'une corne pendue à un piquet ou à un arbre proche de la rive.
Le papetier,
Le célèbre chiffonnier, sur lequel a été composée la non moins célèbre chanson qui porte son nom.
"furic" désigne en principe le furet ?
Le châtreur (appellation sans doute péjorative, en principe le boucher itinérant: "lac'her moc'h" s'acquittait aussi de cet office).
On passe à un autre genre de musique avec le violoneux, le sonneur de biniou, le joueur de flûte, le sonneur de bombarde (noter que le mot "talabarder" est inconnu ici).
Couplet 12:
Il est consacré entièrement à l'usurier. Noter les variations dans l'orthographe en breton, l'auteur doit avoir un compte à régler avec lui, car il profite de sa chanson pour lui faire un sort peu enviable: l'usurier ayant enfermé le "diable argent" dans son armoire pour le garder jusqu'à la mort (de qui ?), devant quitter le pays (pourquoi ?), sa maison s'effondre.
Pour conclure, et en guise d'index, on peut dresser facilement la liste des noms cités (sans prétendre ici être une autorité sur ce qui est "breton" ou "bretonnisé" car certains des mots cités ci dessous sont nettement d'origine française, mais sont aussi très intégrés dans l'usage, donc à considérer comme "bretonnisés", ce qui n'est pas le cas, par exemple, du mot "chirurgien" qui est rarement utilisé en dehors du contexte français). Les noms vieillis ou sortis d'usage sont précédés d'un astérisque.
Notes:
C'est pour des mots de ce type que la classification est difficile, où les mettre pour ne froisser personne?:
- labourer ("laboureur"),
- martolod ("matelot"),
- maltoutier ("douanier"),
- marechal ("maréchal-ferrant"),
Ils sont bien intégrés en breton avec un sens parfois différent ou oublié en Français ("maltôtier", par exemple.).
Conclusion:
Une fois de plus les formes bretonnes dominent, ce qui est rassurant pour l'époque, mais plus guère pour aujourd'hui; car beaucoup de termes sont vieillis, et n'ont plus guère d'usage, sauf dans les noms de famille de ceux qui les portent. Ne soyons pas pessimiste, mais dans les noms de métiers actuels, combien existent en breton et surtout dans l'usage, pas dans les dictionnaires ?
Noms français
chirurgien
apotiqoer (pharmacien)
medecin
avocat
noter (notaire)
procurer greffier huissier
serjant (policier)
recor (recors)
archer (gendarme)
tambourineur (joueur de tambourin)
grossier (grossiste ouvrier en gros ouvrage)
mercer (mercier)
kontreporter (colporteur ou contremaître ?)
kincailler (quincaillier)
sculpter (sculpteur)
broder (brodeur)
pinter (peintre)
drapier
ofreber (l'orfèvre)
chodronier (chaudronnier)
fourbisser (fourbisseur d'armes blanches)
barbier
marechal (maréchal-ferrant)
armurier
fripier
fripieres (fripière)
operatour (directeur d'opéra)
mestr danser (maître à danser)
jardiner (jardinier)
maçonner (maçon)
boulanger
pastessier (pâtissier)
traiter (traiteur)
konfiturier (confiturier)
sucrier (sucrier)
perruquener (perruquier)
oublier (fabricant d'oublies)
usullier (usurier)
tavemier
marc'hadour an allumettes (marchand d'allumettes)
Noms bretons (ou bretonnisés)
pifrer (joueur de fifre)
kaner (chanteur)
marc'hadour lien (marchand de linge)
kalvez (charpentier)
munuzer (menuisier)
poder sten (potier d'étain)
koataer ("ouvrier du bois")
guiader (tisserand)
brider (bourrelier)
diber ("mangeur"?)
labourer (laboureur)
tosser (pourrait être un palefrenier)
kiviger (tanneur)
botaouer (savetier)
piqer ("pique" les ardoises?)
toer (couvreur)
piqer-men (tailleur de pierres)
tacher (cloutier)
machadour liqeur (marchand de spiritueux)
martolod (matelot)
maltoutier (douanier) )
c'hoarier (joueur, comédien)
marc'hadoures a besqet (poissonnière)
marchadour sea (marchand de suif)
golaouyer (fabricant de chandelles)
laonvier (fabricant de cuillers)
conteller (coutellier)
filouter neud (fileur)
marc'hadour a bodou pri (marchand de pots en terre)
kere (cordonnier)
kemener (tailleur)
marc'hadourez a oranjes (vendeuse de fruits)
marchadourez a avalou(marchande de pommes)
marc'hadourez a grampoez (marchande de crêpes)
miliner (meunier)
boneder ( bonnetier)
gorer (trayeur de vaches)
lemmer ar c'hontellou (repasseur de couteaux)
An ni a ampoeson ar razet (marchand de poison à rats)
Ar rincer a chiminalou (fumiste)
kiguer (boucher)
pesqetaer (pêcheur)
passajer (passeur)
paperer (papetier)
pillaouer (chiffonnier),
furic (furet?)
spazer (châtreur)
violancer (violoneux)
biniaouer (sonneur de biniou)
flutter (joueur de flûte)
bombarder (sonneur de bombarde)
usuiller (l'usurier)
Bibliographie:
Dastum : Fonds de feuilles volantes
J. Ollivier: Catalogue bibliographique de la Chanson Populaire Bretonne sur feuilles volantes 1 vol., éditions Le Goaziou Quimper,1942.
L. Raoul : Geriadur ar skrivagnerien ha yezhourien - Ed. AI liamm, Quintin, 1992.
Retour sommaire Chansons énumératives
Les chansons énumératives sur feuilles volantes, 3ème partie
On rencontre parfois, parmi les feuilles volantes, certaines qui comportent au sein du texte plusieurs dizaines de noms propres ou de noms communs. Il s'agit de "chansons énumératives", l'auteur accumulant à plaisir des listes de noms propres, constituant de véritables listes qui nous éclairent sur des noms et c'est ce qui fait l'intérêt de ces chansons.
Chanson eun den yaouank bed e ober tro Franç o clasq eur Vestrez
(Ollivier N°; 370, Lannion, édition Henry Mauger).
L'auteur est ici connu, puisque la chanson est signée il s'agit de René Le Coz, dont la biographie n'est cependant pas précisée, ni dans Ollivier, ni dans le Dictionnaire de L. Raoul.
Précisons cependant que l'édition H. Mauger ne peut être antérieure à 1877-1878 (Ollivier, p.394). Une autre chanson connue de René Le Coz, "Chanson war suget pewar den yaouank partiet d'ar regimant" (Oll. N°;509), permet de situer mieux l'auteur. En effet cette chanson, qui est sur la même feuille volante que le texte dont nous parlons ici, est localisée nettement à Tréguier et environs (Penvénan, au couplet 15). Ce qui sera confirmé dans le texte que nous présentons.
La chanson se présente sous la forme d'une quête. Il y a 14 couplets numérotés individuellement en tête, une ritournelle et un bis à la fin de chaque premier vers. Le thème est inverse de celui de la première chanson dont il avait été question (voir Musique Bretonne N°;134, p. 8); qui parlait d'une jeune fille cherchant un fiancé. Ici, comme le dit le titre breton, c'est un jeune homme qui part à travers la France à la recherche d'une maîtresse. Et, si ce sujet et l'argument peuvent paraître bien minces, et l'intérêt moins grand peut-être que les deux chansons précédemment présentées, le but est ici de noter les noms données aux villes, en Bretagne bien sûr, en distinguant Haute et Basse-Bretagne ; mais aussi aux noms de ville hors de Bretagne.
Chanson eun den yaouank bed e ober tro Franç o clasq eur Vestrez
var ton Gwerz Yan ar Gall
1- Mar plig ganah e chileofet, tral tra lala, tra la la, dira, (bis)
Eur zon zo noevez composet.
2- Ag a zo groet d'eun den yaouank, tral tra la la, etc. (bis
D'eus a barous a Goatréven.
3 - A n'eus laquet ne speret, trai tra la la, etc. (bis)
Ober tro Franc, clasq eur pried.
4 - Bed e en Lamball, en Dinam, trai tra la la, etc. (bis)
En Zant Briec hag en Gwengamp
5 - Barz en Arras hag en Châlon, tral tra la la, etc. (bis)
En Orléans hag en Toulon.
6 - Bed e en Auzer, hag en Dijon, tral tra la la, etc. (bis)
En Orléans hag en Toulon
7 - Bed e en Angers hag en Naounet, trai tra la la, etc. (bis)
En Chartres, en Tours, e chonj cavet.
8 - Bars en Cherbourg hag en Vacon, trai tra la la, etc. (bis)
Bars en Marseille hag en Alençon.
9 - Bars en Versailles hag en Beauvais, trai tra la la, etc. <bis)
Bars en Raoun hag en Vitré
10 - En Montroulez hag en Corlaix , trai tra la la, etc. (bis)
En Callac hag en Lesneven.
11 - En Brest hag en Landivisiau, trai tra la la, etc. (bis)
En Quemper hag en Landerneau.
12 - Baleet n'eus ar Finistère, trai tra la la, etc. (bis)
A breman a teu warzu Treguer.
13 - En Benac'h hag en Pontre, trai tra la la, etc. (bis)
En Plouha hag en Pempoul-Gouélo
14 - Bars e Gouélo, ar merc'het coant, tral tra la la, etc. (bis)
A lavar foei d'an dud yaouanq.
15 - En Lezardre , en Roc'h-Derrien , trai tra la la, etc. (bis)
E chonj kad desir e galon.
16 - En Landreger, en Lanhuon, trai tra la la, etc. (bis)
E chonj kad desir e galon.
17 - En Camiez, en Pervouenan, trai tra la la, etc. (bis)
En Priel a chon] kad unan.
18 - Bars en Langoat hag en Berhet, trai tra la la, etc. (bis)
E Qumperven lar renquo cavet.
19 - En Tregastel, en Perros-Guirec, trai tra la la, etc. (bis)
Dre Zent-Quay a red da Louannec.
20 - Dre Drezeny a Coatreven , trai tra la la, etc. (bis)
En Lanvilin cav eur fleuren.
21 - En bourg Lanvilin pa arrias, trai tra la la, etc. (bis)
E vestrez coant a rencontras.
22- Salud dac'h ma muan caret, tral tra la la, etc. (bis)
Groed meus tro Franç wit o cavet.
23 - Pevar c'horn a Franç meus baleet, trai tra la la, etc. (bis)
Biscoas o par na meus goelet.
24 - Rag o fumez hag o guenet, trai tra la la, etc. (bis)
A n'eus ma galon goneet.
25 - N'ha me o ped potred yaouanq, trai tra la la, etc. (bis)
Rog ma choasfet eur vestrez coant.
26 - Nag ed d'ober eur bale, frai tra la la, etc. (bis)
Na vefet ket tromplet gante.
27 - An mi n'eus ar zon-man composet, trai tra la la, etc. (bis)
Zo eun den dister a speret.
Rene Le Coz
Notes:
Les trois premiers couplets servent d'introduction, les énumérations de lieux ne commencent réellement qu'au troisième. Les lieux se suivent un peu au hasard, comme les rimes les amènent, car parfois le trajet est bien erratique.
Couplet 2:
L'origine est ici précisée. Il n'est pas indiqué formellement que René Le Coz soit de Coatréven, mais cela est du domaine du possible.
Couplets 4:
On commence par les Côtes d'Armor, partie Est et Ouest, avec Lamballe, Dinan (prononcé souvent effectivement "Dinam" en Basse-Bretagne, Saint Brieuc, Guingamp.
Couplet 5:
Sans transition, on passe de la Picardie Arras, au Bourbonnais , Châlon, puis à
Paris et Lyon.
Couplet 6:
La "voie impériale" nous conduit vers le Sud, un peu en zig-zag, par Auxerre (le "z" est ici peut-être une coquille), Dijon , puis Orléans et enfin Toulon.
Couplet 7:
Retour vers l'Ouest avec Angers, Nantes , puis Chartres et Tours.
Couplet 8:
De la Normandie (Cherbourg, Alençon) à Marseille en passant par Mâcon. Difficile de savoir si "Vacon" est une mutation appliquée à Mâcon, quoiqu'elle ne devrait pas s'appliquer dans ce cas, ou une faute d'impression.
Couplet 9:
À part Versailles et Beauvais, retour en Bretagne avec Rennes et Vitré.
Couplet 10:
Il reste (définitivement) en Bretagne, avec Morlaix, Corlaix, Callac et Lesneven. Les noms sont visiblement en Breton. Corlaix s'écrit actuellement "Korlê" mais la prononciation correspondant à la graphie française est approximativement correcte.
Couplet 11:
Localisé à l'Ouest du Finistère avec Brest, Landivisiau, Quimper, et Landerneau, qui se dit "Landerne" en Léon.
Couplet 12:
Couplet charnière, qui dit qu'on passe du Finistère au Trégor et, mis à part une excursion en Goélo, on va y rester.
Couplet 13:
Il débute par Belle-Isle en Terre, puis Pontrieux, et passe en Goélo, à Plouha, puis Paimpol.
Couplet 14:
Il y a apparemment compétition entre Trégorrois et "Goeloîz'..
Couplet 15:
Retour à Lézardrieux, La Roche-Derrien
Couplet 16:
Puis Tréguier et Lannion ; ici "kad" est la forme infinitive contractée de "kavoud", trouver, en Trégor. Ce mot est imprimé ailleurs sous la forme "cavet" (couplets 15, 18).
Vieilles maisons de Lannion
Couplet 17:
Puis Camlez, Penvénan. Noter ici que la graphie suit de près la prononciation bretonne.: Plouguiel.
Couplet 18:
Pas de doute pour Langoat, (Confort-Berhet), Quemperven ),
Un petit aparté linguistique avec "lar" qui est bien la forme trégorroise contractée pour "lavar" (dire).
Couplet 19:
Près de la Côte, Trégastel, Perros-Guirec, Saint Quay Perros, et un peu plus loin Louannec.
Couplet 20:
Trézény , avec mutation initiale, et Coatreven, Lanmérin est cité deux fois
Couplet 21:
Le jeune homme, originaire de Coatreven, retrouve sa fiancée à Lanmérin. Dernier couplet où des lieux sont cités, ce qui annonce la conclusion.
Couplets 22 à 26:
Badinage entre les deux fiancés.
Couplet 27:
Couplet de signature, sans nom, mais aveu d'humilité: "eun den dister a speret", un homme humble d'esprit.
La signature de René Le Coz est après la fin, en hors-texte.
Structure de la chanson.
Il n'est pas utile de dresser ici des listes comparatives pour ce texte. Les noms de lieu ne posant guère de problème, et les remarques nécessaires ayant été faites au long des notes sur les couplets. La structure de cette chanson semble bien, même si le parcours est parfois un peu erratique, obéir à un plan assez précis.
1- Les 3 premiers couplets constituent l'introduction, le deuxième couplet localisant le récit à Coatréven.
2 - Le couplet 4 traverse la partie Est des Côtes d'Armor, dans la partie non bretonnante (sauf Guingamp).
3 - Les couplets 5 à 9 (premier vers) quittent la Bretagne pour les autres régions françaises, Normandie, Maine, Anjou, Bourbonnais, île de France et Midi.
4 - Le couplet 9 (2ème vers) passe brièvement en Haute Bretagne (Rennes et Vitré).
5 - Les couplets 10 et 11, par Corlaix, reviennent en Basse Bretagne, partie Finistère et Côtes d'Armor. Le couplet 12 annonce la charnière entre Finistère (on devrait dire: pays du Léon, quoique Morlaix, historiquement, n'en fasse pas part), et Trégor.
6 - Couplets 13 et 14: incursion sur la côte du Goélo.
7 - Couplets 15 à 21 : la part belle est réservée au Trégor, de l'Est) l'Ouest, du "Trégor profond" à la côte.
8 - La fin (couplets 22 à 27) annonce la conclusion avec un badinage des deux fiancés.
Appendices et conclusion générale.
1 - La toponymie dans ce texte.
Le traitement des noms de ville, dans les trois parties Basse-Bretagne, Haute-Bretagne et autres villes françaises appelle quelques commentaires.
Notons tout d'abord que le traitement des villes de Basse-Bretagne est uniformément fait sous la forme d'une transcription du langage parlé. C'est particulièrement net pour Penvénan, transcrit "Pervouènan", ou Plouguiel qui prend sa forme "Priel' familière aux bretonnants. Il y a peut-être une plus grande incertitude pour Landivisiau et Landerneau, qui pourrait s'expliquer parce que ces villes finistériennes, plus lointaines, ont leur nom moins connu de notre auteur trégorrois.
les villes de Haute-Bretagne sont sans doute aussi lointaines, sinon plus, mais leur traitement s'apparente aussi à une forme calquée sur la prononciation en Basse-Bretagne, ainsi pour Dinan, traité en 'Dinam'. Rennes, la capitale bretonne, est bien connue aussi sous la forme "Raoun" (couplet 9). Prêtant à confusion avec Rouen, on utilise parfois (en désespoir de cause...) les appellations françaises ou bien on utilise "Raon an Douar" pour Rennes, et "Raon ar Mor" pour Rouen (région de Pontrieux surtout, source : D. Kervella).
Une rue du centre de Dinan (début XXème)
Les autres villes françaises sont traitées avec leur nom officiel (sauf la coquille d'Auxerre). On est un peu surpris de voir appliquer la mutation initiale à Mâcon, comme elle l'est ailleurs, à Trézény par exemple ; alors que dans d'autres cas elle n'est pas appliquée (pourquoi 'en Vacon" au couplet 8 et "en Montroulez" au couplet 10 ?).
2 - Toponymie et facteurs sociologiques.
Une digression s'impose sur les noms de ville françaises hors de Bretagne, auxquelles est appliqué un nom breton, de façon traditionnelle. Ceci est une indication de l'existence circuits de circulation humains et sociologiques traditionnels, ayant assez d'ancienneté et de force pour se maintenir dans le langage.
Sujet bien ambitieux qu'il n'est pas question d'épuiser ici, mais d'effleurer seulement ; afin de donner des idées ou des orientations de recherche. De tels faits linguistiques et toponymiques s'appuient en effet sur des circuits de communication économiques et humains qui obéissent à des motivations précises, dont les plus puissantes sont les motivations commerciales et celles d'ordre sociologique pur, ou administratif.
Citons en un premier vu de l'extérieur, les gens en Bretagne ont une réputation de marins, un peu trop exclusive d'ailleurs, et ceci les amène à fréquenter des ports. Sur l'Atlantique, mis à part Brest, port surtout militaire, il y a Nantes (Naoned) et, non cité dans cette chanson, Bordeaux (Bourdel) ainsi que La Rochelle, prononcé " ar Rochel". Les ports militaires du Sud de la France sont connus aussi, et en premier Toulon, du fait des importants contingents de marins bretons qui y passent. Orthographiquement et euphoniquement parlant, Toulon conserve son nom tel quel, mais est accentué à la façon bretonne avec fort appui sur la première syllabe, appui secondaire sur la 2ème syllabe, et le " n" final est nettement sonorisé.
les ports de la Manche, normands et picards, fréquentés par les marins bretons, donnent lieu àla modification de "Rouen" en "Rouan", en deux syllabes, avec assez forte accentuation sur le "an" final, le "n" étant ou non sonorisé. Comme La Rochelle, où l'article est traité en Breton par 'ar" Le Havre se voit appelé "an Havr" ou "an Hevr Nevez" (source D. Kervella). Plus haut dans Les Flandres, Dunkerque est aussi parfois transformé en "Dukark".
Les circuits administratifs, et l'émigration, volontaire mais pas plus joyeuse pour autant, força naguère beaucoup de compatriotes à partir vers Paris, qui est une des principales villes bretonnes par le nombre. Paris voit son nom conservé, dans l'orthographe, mais pas dans la prononciation, avec en breton un fort accent initial, un accent secondaire sur la 2ème syllabe et un 's" toujours largement sonorisé.
Cet aperçu, bien trop bref, suffit à orienter la réflexion sur cette question intéressante de la circulation des gens et l'appellation des villes.
3 - Conclusion générale sur les chansons énumératives.
Si ce texte apparaît de moindre intérêt par rapport aux deux précédents, autant en profiter pour apporter un éclairage sur ce qu'on peut tirer des chansons énumératives en général. On a pu voir quels enseignements, directs ou non, ces listes apportent et la valeur de témoignage qu'elles peuvent avoir, et la façon dont ces listes deviennent intéressantes et non rébarbatives en constituant de véritables mines de vocabulaire. Tous les textes énumératifs ne sont cependant pas aussi exhaustifs que ces trois exemples.
On finira sur certains pour lesquels l'apparition d'énumérations n'est qu'épisodique et incidente, et c'est peut-être finalement ceux-là qui ont la meilleure valeur de témoignage. Car dans ce cas l'énumération ne prend pas le devant de la scène dans l'esprit de l'auteur, donc le témoignage inconscient est d'autant plus fort. Ceci serait encore un vaste sujet car quelle est la chanson qui ne comporte pas quelque part de petites listes de noms?
Citons l'exemple d'un compositeur et polémiste connu, Charles Rolland, de Guerlesquin, qui publie en 1881 "Chanson nevez var sujet ann Dekorationou", 0ll. N°; 452 (Chanson nouvelle au sujet des décorations).
Cette chanson est beaucoup moins polémique et moins patriotique que ce dont il nous gratifie d'habitude. Il fit en effet, avant 14, beaucoup de textes politiques, ensuite des chansons patriotiques sur la guerre de 14. Dans cette chanson, on observe d'abord que sa profession d'horloger à Guerlesquin transparaît du début jusqu'à la fin. Elle n'est pas consacrée aux décorations militaires comme on aurait pu le croire, mais aux façons de se vêtir et aux accessoires d'habillement. Cette chanson descriptive des habillements masculins et féminins est elle-même à la limite des "énumérations" définies précédemment
tant elle accumule des détails de vêtement, mais là n'est pas le témoignage le plus intéressant c'est le fait qu'elle finit par une vraie énumération par Ch. Rolland des communes qui, selon lui, voient porter la "guise" dont il a parlé précédemment. C'est donc un témoignage d'époque (1881), à priori véridique, citons ici ces deux couplets (18" et 19" sur les 21 de la chanson):
Extrait de "Chanson nevez var sujet ann Dekorationou" de Charles Rolland - Ollivier N° 452
18
(...) Arog dont da finissa, men laro n'eur guir ber
Nag hano kement kommun, zo 'formi ar c'hartier
En pelec'h a ve douguet an ol akoutramant
Hag an ol guiziou nevez en toez an dud yaouank:
Avant de finir, je dirai en un mot bref
tous les noms de communes qui forment le quartier
où est porté l'accoutrement
et toute la "guise" nouvelle parmi les jeunes gens
19
Da guenta Plestin, Plufur, Tremêl ha Plounerin,
Plougras, Loguivy, Lohuec, Bolazec, Guerlisquin,
Plougonver ar Chapel-Nevez, kalz deus kanton Callek
Site Benac'h, Lannhuon, hag enfin Sant-Briek. (..)
En premier Plestin, Plufur, Tremel et Plounerin
Plougras, Loguivy, Lohuec, Bolazec, Guerlesquin,
Plougonver, La Chapelle Neuve, beaucoup du canton de Callac
Belle île en Terre, Lannion, et enfin Saint-Brieuc. (...)
Ne soyons pas exagérément optimiste, il est évident que les contraintes du mètre et de la poésie ne peuvent donner à ce témoigna-ge une valeur exhaustive. Il suffit de voir l'énumération passer brusquement de Belle île en Terre à Lannion ... puis St Brieuc! Mais il suffit de connaître les lieux ou de regarder une carte pour voir que ces noms indiquent les limites d'un terroir spécifique pour lequel Charles Rolland pensait (et voyait) une relative unité dans l'ha-billement. Et c'est là où la chanson énumérative trouve son plein rôle de témoignage, comme il a été dit précédemment sur les noms de métiers et les noms de villes.
Serge Nicolas
Remerciements à: Bernard Lasbleiz et Divy Kervella pour les précisions et corrections apportées à cet article et aux précédents.
Bibliographie
- Dastum Fonds de feuilles volantes
- J. Ollivier: Catalogue bibliographique de la Chanson Populaire Bretonne sur feuilles volantes 1 vol., éditions Le Goaziou Quimper, 1942.
- L. Raoul: Geriadur ar skrivagnerien ha yezhourien - Ed. AI liamm, Quintin, 1992.
SITES WEB RELATIFS Histoire et toponymie de nombreuses communes ou paroisses du Tregor-Goelo : http://www.ifrance.com/FREY-Roger/
Histoire et patrimoine du canton de Lanmeur : http://ydafniet.free.fr/
Commune de Ploubezre : http://www.chez.com/ploubezre
Site consacré aux chapelles bretonnes : http://www.armorique.de/
Métiers disparus ou rares : http://metier.ifrance.com/metier
Vieux métiers sur cartes postales : http://carte-postale.com/index.html
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