CHANSONS EN BRETON SUR FEUILLES VOLANTES

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L'histoire locale à travers une feuille volante Kerbors, Côtes d'Armor (Presqu'île sauvage)

Serge Nicolas, Musique Bretonne N°115 (Janv-Fév. 1992), http://www.dastum.com

Il existe un texte sur feuille volante qui est un exemple des fréquentes chansons hagiographiques éditées aux 18ème et19ème siècles en Bretagne. Son intérêt est de retrouver à travers les couplets des notations sur l'histoire locale. Le titre exact est, si l'on respecte l'orthographe originale :

Cantic neve an enor d'an Itron Varia an Aerch Patrones Kerbors (cantique nouveau en l'honneur de Notre-Dame des Neiges, patronne de Kerbors).

Il est composé de 35 couplets de 4 vers, et signé à la fin par Guillaume Le Guillard. La composition du texte est habituelle avec, sur les 35 couplets, un couplet d'introduction, puis 18 couplets hagiographiques. Les 8 premiers couplets parlent de la lignée de la Vierge et du mystère de l'Incarnation. Le neuvième amorce l'hagiographie proprement dite avec un épisode situé à Rome en l'an 53, où une noble famille chrétienne, stérile, a l'inspiration, de se rendre sur le mont Esquilin le 3 août. On ne parle plus d'enfant, mais on en profite pour bâtir une basilique que le Pape consacre et dédie à la Vierge des neiges. On l'invoque aussi pour se débarrasser de la peste, puis d'un serpent qui désole la contrée.

Le couplet 20 est la charnière de l'histoire où on en profite pour évoquer les vertus de la Vierge sensée guérir la peste. Les couplets 22 à 25 sont une description de l'intérieur de l'église de Kerbors, qui a cette sainte pour Patronne. Les couplets 33 et 34 sont des appels à la protection de la sainte, et le 35 et dernier la dédicace de l'auteur. Sur sept couplets historiques, un est consacré à l'histoire récente, les autres à celle plus ancienne, en particulier du temps de saint Yves.

Kerbors, petite paroisse de la presqu'île sauvage, sur la rive droite de la rivière de Tréguier, était jusqu'en 1856 une simple trêve de Pleubian, la commune voisine à l'Est. A cette date un arrêté du Conseil d'État érige Kerbors en commune autonome. La chapelle tréviale de Kerbors est donc devenue église paroissiale en 1856, et c'est ce que dit le couplet 27 : A vreman eo ilis parous ,. Elle était propriété des seigneurs de Kerhos (ou Kerc'hoz) dont le couplet 26 parle sans les nommer. Kerc'hoz se trouve à 900 mètres à peine de la place du bourg. C'est une zone qui a toujours connu une implantation humaine, même dès l'époque préhistorique puisque Kerc'hoz se situe à mi-chemin entre Kerbors et la grève de l'île à Poule près de laquelle est l'allée couverte de Men ar Rompet.

Il est logique de se demander pourquoi une dédicace aussi curieuse que celle de Notre Dame des Neiges a été faite Pour cette petite église trégorroise. Ceci relève plus de l'histoire religieuse que de ces lignes mais plusieurs indications existent : le texte parle d'église " neuve " (couplet 21) que l'on aurait eu des difficultés à bâtir (couplet 32). On se doute bien que la dédicace n'est pas récente et que l'église actuelle ne date pas du 14ème siècle. Une indication : le romain dans le texte s'appelle " Ian Patris " (Jean Patrice). Bien sûr Patrice est un nom romain mais il est difficile de parler de Patrice sans penser à l'Irlande, grande évangélisatrice même dans nos contrées. Autre indication : au couplet 28, on dit bien que c'est sur " ordre " de Jean de Kerc'hoz que l'office fut célébré en la chapelle primitive de Kerbors. La dédicace a donc dû être faite à cette occasion par Jean qui avait pu connaître l'épisode romain (voyage à Rome ? Croisade ?) et y consacra sa chapelle. Rappelons qu'une protection contre la peste pouvait avoir son utilité à cette époque, la grande Peste Noire ayant ravagé les pays occidentaux de 1347 à 1354.

Le manoir de Kerc'hoz existe encore actuellement. Ce serait le plus ancien des manoirs de la région. Il est attribué aux 16ème-17ème siècles, dans l'architecture actuelle, de type Renaissance. Il y a lieu de penser qu'un manoir existait déjà du temps de Saint Yves puisque celui-ci venait y recevoir ses leçons de Jean de Kerc'hoz, maître de grammaire et enseignant les Décrétales à Yves Héloury de Kermartin. C'est ce que disent les couplets 28 et 29, faisant au passage de Jean Kerc'hoz un abbé. Le maître et l'élève devaient quitter le pays pour fréquenter les écoles de droit de Paris et d'Orléans.

Yves Héloury mourut le 19 mai 1303, à l'âge de 50 ans (couplet 30). Selon les hagiographes, Jean de Kerc'hoz était honorablement connu. Il vécut 90 ans, et eut l'occasion de témoigner lors du procès en canonisation de son élève. Guillaume le Guillard ajoute même au couplet 31 que c'est " sur les preuves de son testament que Saint Yves fut canonisé ".
Les couplets 33 et 34 appellent à la protection de la Vierge, avec un vers " ... vel da eur laier deo ", qui doit signifier, avec les réserves liées à la transcription curieuse des mots, que l'auteur veut se comparer au bon larron, celui qui fut crucifié à la droite du Christ.

Dater précisément ce texte n'est pas facile car, si l'auteur est connu, le texte n'est pas daté. Un moyen utile est la marque d'édition qui est celle de la maison Veuve le Goffic à Lannion, qui a été en activité de 1864 à 1873. Il est peut-être un peu plus ancien que cela car il est connu que Mme Veuve le Goffic a repris et diffusé une partie du fonds de son époux, donc des textes plus anciens. La date la plus précoce possible me parait être 1856 si l'on se fie au couplet 27. La typographie est de type Bottin tout à fait habituel. Dans la classification de Joseph Ollivier, il n'y a qu'une seule version du texte et il est signé, dans le couplet 35, Guyon ar Gillard, c'est-à-dire Guillaume Le Guillard. Dans une autre chanson de la même feuille volante (Ollivier, no 441), le même auteur s'identifie comme domestique résidant à Pont-Huon en Plouezec. Les dates de naissance et de décès de l'auteur ne sont pas notées aux fiches d'auteurs du catalogue Ollivier.

Un air de référence est donné pour chanter le texte : il s'agit de Ar Goz Yeodet (Ollivier n° 251 B) dont il existe quatre versions: une probablement de Y. Derrien à Quimper, en exercice de 1779 à 1817 ; une de Lédan à Morlaix, rue du Mur, de 1805 à 1852 ; la troisième de chez Le Goffic à Lannion porte une date de révision du texte : 1957 ; la dernière version, enfin, de chez A. Anger à Lannion dont la localisation et même l'orthographe du titre sont plus proches de ce qui nous intéresse. Le début d'exercice de cet imprimeur est 1856. La date de composition du texte doit donc remonter à 1870 environ ; et il devait être chanté sur un air connu aux alentours de 1860.

Tels sont les quelques enseignements qu'un texte de ce type peut fournir et ils en sont à la fois l'intérêt et la justification.

Serge Nicolas

Bibliographie:

Dastum, fonds de feuilles volantes
Pleubian et la presqu'île sauvage (Saint-Brieuc, 1991)
J.Ollivier, Catalogue bibliographique de la chanson bretonne sur feuille volante. Quimper, Le Goaziou, 1942)
B. Jollivet, Côtes du Nord Arrondissements de Lannion. Loudéac, 1859 (réédition 1990).

Cantic Neve An enor D'an Itron Varia an Aerch
Patrones Kerbors

Voar don: Ar Gos-Yeodet

Mar me sicour des an nen
Min a rei eur hantic neve
Vit enorin Goerhes an Aerch
D'an Tad eternel ez eo merch

Ar Voerhes Vari na voa quet
Gant tut e bro anaveet :
Merch da Jouasim ac Annan
Voa ar bet ane hantic quentan.

Ar gontemplasion huel
Ez eo merch d'an Tad eternel,
Mam Jesus e muian caret.
Ar Speret-Santel e briet.

Desiret boe pevoar mil bla
Da reparin pehet Eva,
Anonset dre profesio
A clefoa consolin a limmo.

Lavaret dei gant Simeon,
De ar Burificasion,
Ar poaniou nije da andurin
Ar mabeic Jesus couls a hy.

Simeon neuse a varvas,
Ac al limmo pa disquennas
A laras d'an tado santel
Gannet eo Salver Israel.

Ac ar vam a neuz-an gannet,
An temp a meuz ive guelet:
Eur Voerhes a ligne Davit,
Enor e bro, douar Egip.

Mister an Incarnasion
So leun des admirasion
Mes impliomp on ol adres
Dober elojou dar Voerhes.

Ar blaves tri hanter-cant,
Hoarveas eur mirac patant
En quichen Rom an Etali
Enoromp ar Voerhes Vari.

lan Batris, mignon da Doue,
Na nefoa quet a vugale:
E briet ac in desire,
Rein o moien vit gloar Doue.

Goulenet o deus sclerijen
Da hout penos guelan rajent
Vit besan da Doue agreab
Impliman a moien ar fat

Revelasion o deus bet,
Ar bemp a vis est asuret,
Monet da vene Esquelin,
Dre inspirasion divin.

Ar Pap ive a neveus bet
Avelte ar memeus momet,
Ma hejont en proseusion
D'ar plas-se gant devosion.

Pa arijont voar ar mene,
Ar bemp a vis est a voe se,
A quefchont an aerch plas un illis
Vit aprou desing lan Batris.

Eno racdal voe batiset
Un temp ar hairan a gafchet,
A laqueet patrones enni
Goerhes an Aerch an Etali.

Da amser ar pap Pol d'ar goude,
Ar vosen ari ar vro-se
An Etali ce dezolet
Gant mortinans des ar hlenvet.

Mont rejont en proseusion,
Dar plas-se gant devosion
Ar vosen a voe chaseet
Ac an Etali consolet.

Eur serpant bras leun a furi
A desol c'hoas an Etali:
Mari an Aerch voe invoquet
Ac ar serpant voe terraset.

Chetu ase petra neus groet
lan Batris cols ac e briet :
In vatisas an temp quentan
Don patrones voar ar bet-man

Goerhes an Aerch a so pedet
Ous ar vosen vel ma clevet,
A visquoas ar Vam buisant
E deus terraset ar serpant.

Credin ran ive, Kerbosis,
Hui neus emitet lan Batris,
Pa vatiseh an temp neve
Vit enorin guir Vam Doue.

Pa hallan transport ma speret
Voar o hilis ac o perret,
A ve raiset ma halon
Gant joa ac admirasion.

Ar hentan objet em rais
Pa hantrean 'enn o hillis,
Goerhes an Aerch carget a hras
Heus plaset hust dan oter vras.

A pa deu ma speret an dro
Da sellet o stasiono,
Ac a lamp a bep coste
Ka lustro no hilis neve

Neuse ar gador a gruione
So batiset ganneh ive :
E man enni ar Pastor mat,
Voar e gain a toug e danvat.

Ar Plas-man dehhu, Kerborsis,
Voa gues ai eur chapel ofis
Vit an noblans dimes ar vro
Dober eni o fedeno.

A breman eo illis parous,
Comparajap deur baradous,
Dre o prudans ac o hadres
A protecsion a Voerhes.

Breman so tremen pemp cant la,
An opis a ret ar plas man,
Dre urs dom lan, abat Kerhos,
Servijer Doue de a nos.

Henes ane gomansamant
Voe quentan mest scol sant Ervoan,
En instruas voar ar fumes
Quent vit antren ar santeles.

Sant Ervoan na voe ar bet-man
Nemerd betec hanter-cant la,
Ac an abat a chom da ren
Da dec la a pevoar-ugent.

Dre breuveno e destamant
Voe canoniset sant Ervoan,
A goude e chapel ofis
A neus roet da Kerbosis.

Cals a boan heus bet Kerbosis
Batisan nevelep illis,
Mes ci a voint cavet un de
Merquet voar a levr a vue.

Esperet ariout ar gloar
Hui gontemplo voar an douar
Ar plas santel-man luguernin
Dre a reilono a Vari.

Goerhes, ma mam a ma itron,
Acordet o protecsion
Vel da eur laier deo,
Din obtenet eur gontricsion barfet.

Guion ar Gillard neus rimmet
Ar hantic-man en bresonec
An enor dar Voerc'hes Vari,
E'ol esperans se ennin.


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A défaut de l'église de Kerbors, ce site vous offrira beaucoup d'informations sur le Trégor..

http://www.tregor.net/accueiltregor.html

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