CHANSONS EN BRETON SUR FEUILLES VOLANTES

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La Seconde Guerre Mondiale

dans les chansons en breton sur feuilles volantes.

 

Article publié par Thierry Rouaud dans "Musique Bretonne" N°191-192, juillet-août 2005.


Durant près de cent cinquante ans, les chansons en breton sur feuilles volantes se sont faites l'écho des guerres menées par les monarchies, les empires et les républiques. La Seconde Guerre Mondiale est un cas à part pour plusieurs raisons. En premier lieu, cette guerre ne se déroule plus aux frontières ou dans des terres lointaines mais en Bretagne même. Ensuite, il n'est plus question de charges à la baïonnette au son du clairon, de colonies à conquérir ou de front à tenir mais de blindés, de bombardements aériens et d'un ennemi qui s'installe à demeure et en maître.

Pour revenir à la culture bretonne, on sait que le milieu du 20ème siècle voit également la fin des chansons en breton sur feuilles volantes au profit d'autres vecteurs de communication plus à la mode. Un des buts de cet article qui ne se veut ni exhaustif ni définitif sur le sujet, est d'attirer l'attention sur les compositions de cette période. A côté des chansons en breton imprimées, il existe aussi des chansons composées en breton et restées dans l'oralité et qu'une analyse des collectages pourrait identifier.

Une trentaine de chansons ont été étudiées dans le cadre de cet article, afin d'en tirer les grands thèmes et de les illustrer par des couplets significatifs. La prédominance des auteurs de la partie Est du Centre-Bretagne n'est pas significative car les documents proviennent en grande partie des collectages du Dr Le Breton de Bourbriac. La majorité des chansons a été publiée peu de temps après la libération de la Bretagne et parfois avant la fin même de la guerre en Europe.

On peut penser que cette production correspondait à un besoin pressant de pouvoir enfin s'exprimer sans crainte de dénonciations. La forme parfois lourdement phonétique du breton écrit et la présence de mots français est une caractéristique forte dans les feuilles volantes du 20ème siècle. Cette dérive est en partie due à l'origine des auteurs qui comptent de moins en moins d'intellectuels issus du mouvement breton et probablement aussi à une diminution d'imprimeurs bretonnants ou de transcripteurs capables de " redresser " des textes comme ce fut le cas au siècle précédent.

Titres de quelques unes des chansons coiées dans l'article.

a) La défaite.
La défaite, quand elle est mentionnée, n'est pas autrement expliquée que par une trahison dépassant le sort des malheureux soldats. On trouve la mention de " Prussiens " évoquant l'humiliation de la guerre de 1870-71, dont les feuilles volantes de l'époque ne manquèrent pas de se faire l'écho (voir l'article de S. Nicolas dans MB n° 179).

" Boch Kapout ! " par Ifik Moal, de St Pol de Léon (>1944).
An Almanted, tud diboell ../.. Leun o fenn gant avel
A zonjas eo ar brezel ../.. Rafe d'o bro sevel.
Les allemands, gens aberrants, du vent plein la tête
Pensaient que la guerre ferait grandir leur pays.

" Kanaouen an daou bourreaux " " La chanson des deux bourreaux " par René Le Gac, de Callac (>1944).
Brao oalc'h evoa d'ar bosched, ia donet barz in Frans
A pe gwir a oamb guerzed, o ia tout a avance.
Il était bien facile aux boches de venir en France
Parce que nous étions vendus tous à l'avance.

" Enor eun bro Frans ", Honneur de la France " par François. Le Gall, de Bulat-Pestivien (>1944).
Ar Prussianed ken barbar oa t'ont d'okupi ar vro
Mes netra na oa d'ober gwerzet oamp war an dro
Les prussiens si barbares étaient venus occuper le pays
Mais il n'y avait rien à faire, nous étions vendus.

" Chanson war sujet ar brezel nao-a-tregont-pemp a daou ugen hag an occupation " " Chanson sur la guerre 39-45 et l'Occupation " par Jean Le Bris, de Pont-Melvez (>1944). Ce récit général de la guerre est au répertoire des Frères Morvan.
Kollet eo en etat-major hag General Gamelin.
Gwerzet e oa en deved da bleizi bras Berlin.
L'état-major et le général Gamelin sont perdus.
Les moutons étaient vendus aux grands loups de Berlin.

" Chanson nevez vit diskleria tourment vras omp bro " Chanson nouvelle pour montrer le grand tourment de notre pays " par Yves Cesson (>1944).
Bean oa ive barz in Franz kalz eus ar pennou bras
Deva hoant da lakaat ho bro arre in esclavaj.
Il y avait aussi en France beaucoup de gros bonnets
Ils avaient envie de mettre de nouveau notre pays en esclavage.

" Zon savet var an traitourien a n'hennebourien " " Chanson sur les traîtres et les ennemis " par Jean-Marie Le Breton, du Faouët (>1944).
Zonjet pesort malheuriou eur zo greit bas hon bro
Balamout eur traitourien hon deit don guerzo.
Pensez aux malheurs qui ont été fait à notre pays
A cause de traîtres qui nous ont vendu.

René le Gac, dans les années 70.

b) Les prisonniers.
Le thème des prisonniers de guerre fut manifestement porteur et donna lieu à beaucoup de compositions Le poids de l'absence pour les familles et le souvenir ancien, mais toujours présent, des difficiles conditions de détention des prisonniers des deux guerres précédentes et ne pouvait que retenir l'attention des auditeurs.

" Chanson war sujet ar brezel nao-a-tregont-pemp a daou ugen hag an occupation " par J. Le Bris (>1944).
Benn neuze daou million a oa graet prizonier
Da vont d'ar Prusse Orientale da gaout poan ha mizer.
Jusqu'alors deux millions ont été fait prisonniers
Pour aller en Prusse Orientale avoir de la peine et de la misère.

" Glac'har ar Prizonier ", " La tristesse du prisonnier " par I. Moal (>1944).
E Bro Hitler, den dizoue ../.. Ar prizonier ne zreb bemdez
Pemp vloaz a zo dija in bed tapet ../.. Truez, truez diouz o mizer.
Au pays d'Hitler, homme sans Dieu ../.. Le prisonnier ne mange pas tous les jours
Il y a cinq ans déjà qu'ils ont été pris ../.. Pitié , pitié pour leur misère.

Zôn ar brizonerien, "La chanson des prisonniers " par T. Thomas, de Plourac'h (>1944).
Pa n'e emp da labourat,a vijemp eskorted
Gant eun neubeut boched, ar fusul hag ar vaionettez.
An hini n'houlle ket labourat, henez vije bac'hatet.
Toliou bôtou, tôliou krôs, trist e oa da welet.
Quand nous allions travailler, nous étions escortés
Par quelques boches, au fusil et à la baïonnette.
Celui qui ne voulait pas travailler, celui-ci était battu.
A coup de pieds, à coup de crosse, c'était triste à voir.

Extrait du journal "Libération", du 31 août 1944.

" Son savet war ar brizenerien abalamour man ober pinijen ", "Chanson composée sur les prisonniers car ils sont en train de faire pénitence " par J.M. Le Breton (1944). Cette chanson fut tirée à plusieurs milliers d'exemplaires.
Peguir bakiet nitra ki-in h'ouam kied h'uit nimzifen
Forcet h'ouam da nem rento h'a mon Prizenerien.
Parce qu'il ny avait plus rien, nous ne pouvions plus nous défendre
Nous avons été forcés de nous rendre et de devenir prisonniers.

" Evit sikour ar prisonnier ", " Pour aider le prisonnier " par I.Moal.
Eurus a re zo deut d'ar gear ../.. tud yaouank, tud dimezet
Micherourien, labourer douar ../.. Sonjit ouz a re zo chomet
Bebez ran galon, beza er prison.
Heureux ceux qui sont revenus à la maison ../.. Jeunes gens, gens mariés,
ouvriers, paysans ../.. Pensez à ceux qui sont restés.
Quel crève-cœur d'être en prison.

" Gwerz ar brizonierien a vrezel ", " Complainte des prisonniers de guerre " par Taldir (1942).
Ma brasa joa oa kaout eul lizer ../.. Digant ma zad, digant ma mamm
Hag eur c'holi eur wech an amzer ../.. Ma mignoned doa bep a damm
Ma plus grande joie était d'avoir une lettre ../.. De mon père ou de ma mère
Et un colis de temps en temps ../.. Mes amis en avaient chacun un morceau

" Son ar Brezel ", " Chanson sur la guerre " par Yves Le Goff, de Plougonver (1941 ou 1942).
Pa deu ar bleun er c'hoat hag an heol lugernus,
Buhez ar prizonier zo bopred hirvoudus.
Quand viennent les fleurs sur le bois et que le soleil brille,
La vie du prisonnier est toujours à plaindre.

c) Les restrictions et le marché noir.
Les problèmes liés au ravitaillement constituent un thème majeur. Ces chansons, destinées à un public large, se devaient de prendre en compte les préoccupations quotidiennes. Le nom de " paotred (ou merc'hed ) an uiou frited " est le surnom collectif des acteurs du marché noir alimentaire. Il désigne ceux qui fournissent ou régalent leurs clients en produit frais que d'autres ne peuvent pas s'offrir mais dont l'odeur de cuisson est perceptible par l'entourage. Les textes montrent aussi que les restrictions et les réquisitions s'étendaient aussi aux produits manufacturés non moins indispensables que la nourriture.

Carte de pain du mois d'octobre 1945.

" Butun er marc'h du ", " Le tabac du marché noir " par R. Le Gac (>1944). La chanson met en scène un paysan à la recherche de tabac et un ouvrier de la Manufacture de Morlaix.
Ma peuz aman uo lambic ../.. Dimeuz da cochon eur tammic
Pezo friset a chic.
Si tu as du beurre, des œufs, du lambic ../.. Un peu de ton cochon
Tu auras du (tabac) frisé et de la chique.

" Canaouen eur marc'h du profitourien ar brezel ", "Chanson sur la marché noir et les profiteurs de la guerre " par R. Le Gac (>1944).
Uiou fritet ag ar liqueurio, he barz kof ar bochet.
Ar bara du hag ar chistr put, oa mad d'ar vretoned.
Les œufs frits et les liqueurs allaient dans le ventre des boches.
Le pain noir et le cidre aigre était bon pour les bretons.

Non lakat e voa kalz a dud d'ober mac'hadourien
A d'ober convers ar moc'h evel ar boucherien.
Beaucoup de gens se sont mis à faire les marchands
Et à faire le commerce du porc comme les bouchers.

Pa zeuemp ebarz in kaer evoamp prest de gol om fenn.
Pas moyen da gaout eun tach nag ive eur boenten.
Quand nous allions en ville, nous étions près de perdre la tête.
Pas moyen d'avoir un clou ou aussi une pointe.

Extrait du journal "Le Petit Parisien", du 10 juin 1944.

" War bordik ar ganol ", "Sur le bord du canal " par I. Moal. Il s'agit d'un pastiche de la chanson " war bond an Naoned " où l'anneau d'or devient une montre en argent et où la récompense est adaptée aux besoins du moment.
A petra rofez dimme ../.. Me ielo d'e zapa ../.. Dek lur kik morc'h ma karit ../.. A pemzek lur amann.
Que me donnerez-vous ../.. Si je vais l'attraper ../.. Dix livres de cochon ../.. et quinze livres de beurre.

" Diez eo kaout peb tra ", " Difficile d'avoir chaque chose "par F. Moal, de St Pol de Léon
Kaer a zo redet e kement tu ../.. E ped korn e vez great marc'had du.
On a beau courir de chaque côté ../.. Dans chaque coin, on fait du marché noir.

" Merhed a n'amand ", " Les filles du beurre " par " Ar wouanhou " (>1944).
Mod e red bemde deuz ar guer ../.. O tam amand baz o panner
Ter douçaine viou peuz ba o nel ../.. On tam kik zal kalez draou el.
Vous allez chaque jour en ville ../.. Un morceau de beurre dans votre panier
Trois douzaines d'œufs dans un autre ../.. Un morceau de lard salé, beaucoup d'autres choses.

" Merhed a n'uiou frited ou ces dames du marché noir " " Les filles aux œufs frits… " par "Ar Wanhou, soldat africain" (>1944).
Ar brezel ma neus criet ../.. mile complicationnos.
Ag neus chonjet ar merhet ../.. Woa reild nomm zibrouillo.
La guerre nous a créé ../.. mille complications.
Les filles ont pensé ../.. Il faut que l'on se débrouille.

Extrait du journal "Le Petit Parisien", du 16 juin 1944.

" Eur zon neve d'Adolphe Hitler ", " Une nouvelle chanson sur A. Hitler " par Augustine Le Mansec , de Pont-Melvez(>1944).
Faire piller tous nos magasin ../.. Ha kas omp zraou war du Berlin.
Les bicyclettes autos, motos ../.. Ha oa vit servij tud he vro.
Faire piller tous nos magasin ../.. Et envoyer nos biens du côté de Berlin.
Les bicyclettes autos, motos ../.. étaient pour servir aux gens de son pays.

Quelques chansons s'en prennent de plus aux femmes qui ont procuré à l'occupant plus que du ravitaillement.

" Chanson des collaboratrices in brezonnec " par R le Gac (>1944).
Ia, collaboret a deuz a corf ag e galon ../.. Goueloc'h e cavind eur boche o ia vit eur breton
Oui, elles ont collaboré de corps et de cœur ../.. Elles préféraient le boche au breton

" Ar plac'h digalon " " La fille sans cœur " par I. Moal (>1944).
Ar boche pa n'doa debret mad ../.. Prit Marie sur les genoux
Dezi stagas da bokat ../.. L'embrassant comme un vieux fou
Le boche, quand il eut bien mangé ../.. Prit Marie sur les genoux
Se colla à elle pour l'embrasser ../.. L'embrassant comme un vieux fou

d) La guerre au quotidien.

Bien qu'il y eut des combats violents autour des poches de résistance allemandes, la Bretagne ne connu ni front général ni grandes batailles. Elle eut par contre à subir des bombardements intensifs et meurtriers pour les civils. Dans les chansons, le souvenir se montre très vif concernant les ratissages menés par des troupes mixtes regroupant la Wehrmacht et les miliciens. Ces opérations de basse police, souvent basées sur la délation, étaient l'occasion d'exécutions, de tortures, d'exactions et de rapines destinées à terroriser une population connue comme soutenant la Résistance.

" Gwerz lazadeg skolidigou Intron Varia Lourd " " Complainte sur la tuerie des petits écoliers de Notre-Dame de Lourdes " par L. Lok (Louis Dujardin), de St Renan (1943). La chanson a pour sujet le bombardement du Pont de Morlaix en janvier 1943. Il y eu de nombreuses victimes civiles dont des écoliers. La petite-fille de l'auteur en faisait partie.
D'a lenva d'id. Ha pebez bec'h / War o c'halon : Drailhet o merc'h
Eus he c'horfig ne chom netra / N'he deus bez d'in da zaoulina.
De gémir de toi, O quelle douleur / Dans leur cœur : Déchiquetée leur fille.
De son petit corps, il ne reste rien / Pas même une tombe pour m'agenouiller.

" Soudarded an Diaoul " " Les soldats du Diable " par I. Moal (1945).
Tadou koz, merc'het ive bugale ../.. Zo bet c'hoaz fusiliet
Lakeat o deus skuilla mareat daelou ../.. A distrujet kalz a familiou.
Des grand-pères, des filles aussi, des enfants ../.. Ont été fusillés
Ils ont fait couler des flots de larmes ../.. Et détruit beaucoup de familles.

" Maleuriou ar Vro " " Les malheurs du Pays " par F. Le Gall (1945). La chanson retrace l'exécution de résistants arrêtés lors d'une grande opération de ratissage aux abords de St Nicodème le 9 juillet 1944. Transférés à Bourbriac et sauvagement torturés par des miliciens commandés par des SS, ils furent abattus le 16 juillet au lieu dit Garzonval (cf . MB n° 126).
Rak a rog taol ar maro ar seiz den yaouank ma
A oa bet merzeriet tre daouarn an tiran.
Ha n'imp a hall sonjal an eur deus o maro
Oa 'vitez eun eur gaer da guitaat o voaniou
Car avant le coup de grâce , ces sept jeunes hommes
avaient été torturés par les mains du tyran.
Et nous pouvons penser que l'heure de leur mort
A été pour eux une belle heure pour quitter leurs peines.

" Er sonnen mann e zo saluet de patriotet koehellan " " Cette chanson est composée sur les patriotes de Koehellan " par Joseph Le Gallo, de Locmalo (<1944).
Na bochet a milicien tout hrah, houin furiet
En uiyeu,en amonen, er hik ou doe leret.
Er mab bihanan ag en dachen, klan bras ar i uelé
Reseué toleu ar i ben, ar i fas, ar i ziskoué.
Les boches et les miliciens ont fouillé partout
Ils ont volé les œufs, le beurre, la viande.
Le plus jeune fils sur place, très malade dans son lit
A reçu des coups sur la tête, le visage et les épaules.

" Er Guémené idan goask er Boched " " Guéméné sous la pression des Boches " par Julien Dupuis, de Guéméné (1944). La chanson est indiquée comme distribuée gratuitement. Elle est accompagnée de ce commentaire en français : J'en autorise la reproduction à condition qu'elle ne soit pas vendue, car il y a déjà trop de marchands de chansons à exploiter la douleur des familles des malheureuses victimes des boches…
Er Boch des ur galon tiner ne faot stagein treid ul lé
Met trohein divreh ur kroaidur, el en ur barrez tal Alré.
Le boche a un cœur tendre, il ne peut pas attacher les pieds d'un veau.
Mais couper les bras d'un enfant comme dans une paroisse près d'Auray.

Pel e vo konzet a Hitler, hag e strollad zoudardet.
Multrérion, torfetourien ha lies kousierion merhet.
On parlera longtemps d'Hitler et de sa bande de soldats.
Meurtriers, malfaiteurs et souvent souilleurs de filles.

Extrait du journal "Libération", du premier septembre 1944.

" Eur ganaouen var trubulliou ar bed " " Une chanson sur les troubles du Monde " par R. Le Gac (>1945).
Nemed deuz tout er poanniou ze faut ket ken causéal
Pe nomp ket bet in Dachau na ive in Buckenwal.
Mais de toutes ces peines , il ne faut pas en parler
Quand on n'a pas été à Dachau ou à Buchenwald.

" Chanson nevez war sujet en teodou fauz en denonciation " " Chanson nouvelle sur les mauvaises langues et la dénonciation " par Y. Cesson (>1944).
Evid touch o neubet billiejou, vije göel en tud udur
A denonç o brassa camarad, gant kals a plijadur.
Pour toucher quelques billets, on voyait ces gens horribles
Dénoncer leurs plus grands camarades avec beaucoup de plaisir.

Brao ive vije dar Boch, gouvezout tout en tröo
Dre vegou en teodou fall a rente de ar c'hëlo.
Il était facile au Boche de tout savoir
Par les bouches des mauvaises langues qui leur rapportaient les nouvelles.

" Bêtiz eur Soudard yaouank " " La bêtise d'un jeune soldat " par F. Le Gall (1945). Malgré tout, dans la tradition de la chanson bretonne, l'humour reste présent avec la mésaventure de ce jeune maquisard qui mit en péril sa future descendance en jouant avec des munitions.
Toliou morsol war ar ball reas d'ei eclati.
Ar gapsulen zo loget ia barz he ganari.
Des coups de marteau sur la balle la firent éclater.
La douille s'est logée dans son "canari".

e) Les lendemains de la guerre
La Libération ne signifia pas pour autant la fin des difficultés quotidiennes et certaines fortunes, un peu rapidement faites, ne manquaient pas de susciter la réprobation.

" Kanaouen ar marc'h du " " La chanson du marché noir " par R. Le Gac (>1944).
Ia gueled in pad pemp bloa kalz e deus graet fortunio
Keit eoa eur rumad all a vervel ebarz no ruinio.
Oui, on les a vu pendant cinq ans, beaucoup ont fait fortune
Pendant que les autres mourraient dans leurs ruines.

Extrait du journal "Libération", du 31 août 1944.

" Planeten ar billejo braz " " Le destin des gros billets " par R. Le Gac (>1945). Cette chanson traite du changement des coupures monétaires opéré juste après guerre.
Ag atao vo laret demp kreski de labourat.
Gant daou hant gram bara brenn bemde da chakat.
Et toujours on nous dit d'augmenter le travail.
Avec deux cent grammes de mauvais pain à mâcher chaque jour.

" Kanaouen er bara du " " La chanson du pain noir " par R.Le Gac (1947).
Pe ouelan er boulanjeri ../.. Epad eun heur hasten er vri
Eben kaved daou lur bara ../.. Penoz vo kont ben fin er bla.
Quand je vois à la boulangerie ../.. Pendant une heure à tendre son nez
Sans trouver deux livres de pain ../.. Où en sera-t-on à la fin de l'année.

En guise de conclusion.
La Seconde Guerre Mondiale a été le dernier grand thème d'inspiration des chansons en breton sur feuilles volantes avant qu'elles ne disparaissent. Alors qu'avant guerre, elles semblaient appartenir déjà au passé, elles ont comblé, en partie et pour un temps, le besoin des bretonnants " d'en bas " de témoigner dans leur langue de ce qu'ils avaient vécu au lendemain de cinq ans de guerre.

Thierry Rouaud

Bibliographie :

- Tenzor ar Botkol; Ar vreudeur Morvan, Guy et Yvonne Berthou; Coop Breizh, 2002.
- Chronique d'hier, Tome 2, La vie du Finistère, 1939-1945, R. Bohn et A. Le Berre, M. Le Bars, 1994.

Sommaire


Quelques textes de chansons...

A titre d'exemple on trouvera ci-dessous les versions intégrales de quelques textes étudiés dans cet article. Les textes sont au format pdf. Merci par avance aux éventuels ayant-droit de se faire connaître.

- Butun er marc'h du de René le Gac,

- Ar plac'h digalon d'Ifik Moal,

- Son ar Brezel d'Yves Le Goff,

- Chanson nevez vit diskleria tourment vras omp bro d'Yves Cesson,

- Chanson war zujet ar brezel nao a tregont pemp ha daou ugen hag an occupation de Jean Le Bris

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