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GWERZ AN TOUR PLOMB

De la Gwerz au canard

L'incendie en 1620 d'un tour dite "Tour de Plomb " de la Cathédrale de Quimper est raconté en français par une publication occasionnelle de l'époque mais aussi au travers d'une gwerz dont plusieurs versions ont été collectées à la fin du siècle dernier. L'article compare les deux formes de récit.

Article de T. Rouaud paru dans Musique Bretonne n° 156 (novembre-décembre 2000)

Gwerz an Tour Plomb

Incendie de la cathédrale de Quimper en 1620

Parmi les chansons Populaires collectées au siècle dernier, Gwerz an Tour Plomb est un cas curieux. En effet, pour cet événement, 1'apparition d'un démon lors de l'incendie d un clocher de la cathédrale de Quimper en 1620, on dispose de collectages de chansons populaires en breton mais aussi d'un récit en français, publié peu après les faits, d abord a Rennes, puis à Paris.

La première mention comporte des deux récits a été faite par G. Milin dans un article de 1864. D'autres informations permettent maintenant d'apporter quelques précisions. Je vous propose, après avoir planté quelques jalons historiques, de comparer les deux formes de ces versions populaires et d'essayer de répondre aux interrogations qu'elles peuvent susciter.

Histoire de la Tour de Plomb
Cette flèche décorative* recouverte de plomb et surmont6e d'un coq dor6, avait 6t6 6difi6e par Rolland Le Saux, charpentier de Morlaix entre 1468 et 1469, lots de la seconde grande tranche de travaux qui dura jusqu'en 1515. Au matin du samedi I" f6vrier 1620, la foudre s'abattit sur la " Tour de Plomb " et déclencha un incendie. Au milieu des flammes et de la fumée, la foule assemblée crut voir un démon multicolore perché sur la flèche. L'incendie empirant, la journée se passa en prières, processions et expositions de reliques. Des ouvriers furent blessés en tentant d'éteindre le feu ou de le circonscrire. Il semble que l'incendie cessa tout seul vers huit heures du soir. La Tour de plomb ne sera pas reconstruite. En 1625, le Chapitre de Quimper* fera vendre le fer récupéré à la suite du sinistre, mais il n'est fait aucune mention du plomb, qui a peut-être été r6employé sur d'autres parties de la cathédrale. On a trouvé trace* d'une lettre de 1638 envoyée par Albert Le Grand, auteur de la Vie des Saints, au. Gouverneur de Quimper afin de Seaux les particularités de l'incident.

La version française
Le texte est un occasionnel ou " canard " imprimé pour la circonstance. Ce type de publication a été étudié par J.-P. Seguin* au travers d'une collection de 500 textes édités entre 1529 et 1631. Sans entrer dans les détails de ce travail, on peut retenir que ces productions " grand public " sont apparues très tôt dans le monde de l'information. Elles correspondaient à la fois au besoin de distraction des lecteurs et à la nécessité des imprimeurs de travailler, même à faible revenu. Déjà à 1'époque, les lecteurs raffolaient d'histoires de monstres, de diables et de crimes sanglants. Les compositions n'étaient pas signées et souvent des imprécisions volontaires sur les dates permettaient des rééditions successives. La lecture des titres et des introductions* n'est pas sans rappeler ceux employés dans les chansons en breton sur feuilles volantes.
La version présentée ici est le texte original de 1620, imprimé chez A, Saugrain, dont I'activité dans le domaine de l'occasionnel est connue par d'autres pièces. Les imprimeurs libraires travaillaient en réseau comme le montre les indications du sous-titre. Imprimeur officiel du diocèse de Rennes, Pierre-Jean Durand* était né à Hérisy-en-Brie et fut apprenti à Troyes puis, de 1619 à 1643, imprimeur à Rennes, rue Saint Thomas à 1'enseigne de I'Image Notre-Dame. La fonction officielle qu'il occupait pourrait expliquer qu'il eut la primeur de l'information par le biais d'ecclésiastiques témoins du drame. Ce canard a été réédité avec d'autres en 1751 dans un recueil de "Dissertations anciennes et nouvelles sur les apparitions et les songes" par I'abbé Lenglet Dufresnoy. Le texte que donne Milin dans son article, puis Luzel dans ses Veillées est rédigé dans un français modernisé par rapport à la version initiale*. Sous réserve de vérification, il s'agit peut-être du texte de 1751 et non de 1620.

La version bretonne collectée par Milin
En 1857, Gabriel Milin collecta à Brest Gwerz an Tour Plomb " auprès de Perrine Poder, mendiante originaire du Ponthou, près de Morlaix. Ayant obtenu le texte français, il publia l'ensemble en 1865 dans le Bulletin de la Société Académique de Bretagne*. Cette version, la plus longue connue, est présentée dans cet article. Le manuscrit de Milin montre des corrections entre la chanson collectée et celle publiée*, Ces modifications sont assez minimes et visaient à bretonniser quelques termes mais ne changent rien sur le fond. En 1877, I'archiviste Le Men, dans sa Monographie de la Cathédrale de Quimper, qualifia cette gwerz de " pastiche maladroit " en y opposant des arguments techniques* tels que l'absence de chambre dans la tour, de " curé de Quimper " et de cimetière autour de l'édifice. Luzel, en 1879, dans les Veillées Bretonnes prendra la défense de Milin et plaidera pour des inexactitudes dues à la tradition populaire*. L'hypothèse du pastiche est battue en brèche par les versions collectées par Penguern, mais ces informations ne furent accessibles à Milin qu'en 1868 et consultables à la Bibliothèque Nationale qu'en 1878*. Luzel, bien que pour partie propriétaire de cette collection, n'en prit connaissance que plus tard. En tout cas, Le Men devait ignorer 1'existence de ces autres collectages car il aurait dans ce cas probablement revu son propos.

Le canard et la gwerz
La lecture comparé des deux textes montre bien qu'il s'agit du même événement, de la même interprétation de son origine (le diable) et des mêmes moyens d'y remédier (l'incantation religieuse, le pain de seigle et le lait de femme). La différence porte sur deux points. D'une part, alors que le texte français reste très factuel, la gwerz théâtralise et personnalise le drame en montrant un " curé de Quimper ", désigné volontaire montant bravement exorciser le démon. D'autre part, la gwerz avance une raison à la présence d'un diable dans le dernier endroit où il devrait se sentir chez lui. Le fait que, pour célébrer la Nativité, deux religieux aient sollicité une prostituée pour une séance de triolisme sous les combles de la cathédrale, explique à la fois la désacralisation du lieu et l'emploi du lait de femme comme ingrédient symbolique du remède. Le comportement des coupables n'a rien d'irréel par rapport a ce que l'on sait des moeurs du XVIIème siècle. Le " breton de la rue " avait des yeux pour voir quotidiennement ce que constataient horrifiés les 6v6ques lors des enquêtes diocésaines.

Il n'est pas connu d'exemplaire imprimé de la gwerz, si toutefois il en a existé un. On peut imaginer deux formes parallèles de circulation de l'information : un texte imprimé pour les notables francophones et une chanson pour la masse bretonnante. Cette dualité* a persisté dans les faits d'actualité jusqu'au XXème siècle au travers; de chansons sur feuilles volantes ou non.

D'autres versions bretonnes
Il existe plusieurs versions* de la gwerz présentée ici. Elles sont souvent plus courtes, les couplets sont dans des ordres différents mais l'histoire reste identique. Les modifications de termes n'altèrent ni le sens ni la métrique. Le sentiment qui domine est celui d'une chanson qui a voyagé de mémoires en mémoires avec toutes les vicissitudes de la transmission orale. Aucun air spécifique n'est donné mais le nombre de pieds autorise 1'emploi d'une grande variété d'airs traditionnels. Quand elle est connue, la localisation des versions est très éloignée de Quimper. Luzel penche pour une composition initiale léonarde ou trégorroise*. On peut tout aussi bien penser, compte tenu de 1'événement, à une chanson beaucoup plus répandue dont les dernières traces ont eu la chance d'être collectées dans des zones encore riches en patrimoine oral.

Si l'on admet la réalité historique des versions collectées, on ne peut que constater le témoignage de deux circuits distincts de propagation de l'information. Un circuit officiel en français, plus ou moins supervisé par les autorités, ainsi qu'un circuit populaire utilisant la chanson en breton. Les compositions bretonnes sur feuilles volantes, formes les plus évoluées de la tradition chantée, apparaissent comme en filiation directe avec les canards du XVIème siècle, tant par les sujets évoqués, le style rédactionnel que la fonction vis à vis de la communauté.

Thierry Rouaud

Remerciements a Claude- Youenn Roussel pour son assistance bibliographique.

- Manuscrit Penguern MS 90/80), collecté auprès de Maurice Follezour de Taulé en 1851, (9 couplets).

- Manuscrit Penguern (MS 89/203-204), collecté auprès de Jannet Kergiduff en 1851 (15 couplets).

- Manuscrit Penguern MS 89 /156-157), collecté auprès de Jannton Puill, mendiante d'Henvic en 1851 (13 couplets).

- Manuscrit Penguern MS 112, date et informateur non indiqué (14 couplets).

- Version française dans les Veillées Bretonnes de Luzel (1879).

 

Bibliographie succincte :

- F Morvan, François-Marie Luzel - Biographie, Terre de Brume, P. U. Rennes 1999 (Coll. Part 7R).

- François-Marie Luzel, Veillées Bretonnes, Picollec 1980 (Coll. Part TR).

Note : Le numéro d'Ar Men n°162, (janvier février 2008) propose un article intitulé "La Gwerz de la tour de plomb" par d'Eva Guillorel, largement inspiré de celui proposé ici. On y notera tout de même la mention d'une chanson collectée par La Villemarqué et non publiée. Le texte de cette chanson n'est pas donné.


SOURCES UTILISEES

Atteindre : Versions collectées par J.M. Penguern.

Atteindre : En 1857, A de La Borderie publie dans la Revue de Bretagne et de Vendée, une lettre d'Albert Le Grand, datée de 1636 et envoyée à "Monsieur le Marquis de Rosmadec, à sa maison, au Tre-Coat".

Atteindre : Article de G. Milin dans le Bulletin de la Société Académique de Bretagne, (1864-1865) présentant la gwerz et le canard.

Atteindre : Texte de l'occasionnel en français, dans la version rapportée par Langlet-Dufresnoy en 1751.

Atteindre : Texte de l'occasionnel en français, dans la version originale de 1620.

Atteindre : Extrait de la Monographie de la Cathédrale de Quimper de LE MENN, passage consacré à la Tour de Plomb.

Atteindre : Extrait de la "Gallia Typographica", tome consacré à la Bretagne, notice concernant Pierre Jean Durand, éditeur du canard en français sur l'incendie.

Atteindre : Extrait des Veillées Bretonnes de Luzel. Passage où Garandel chante "Gwerz an Tour Plom" et dans lequel Luzel, face aux critiques techniques de Le Menn, soutient la thèse de l'authenticité de la gwerz collectée par G. Milin .

Atteindre : Biographie de J.M. de Penguern (extrait de Dastumad Penwern, Dastum 1983).

Atteindre : Luzel, Milin et la collection Penguern... (extrait de la biographie de F.M. Luzel par F. Morvan).

Atteindre : Bibliographie.


En 1857, A de La Borderie publie dans la Revue de Bretagne et de Vendée, une lettre d'Albert Le Grand, datée de 1636 et envoyée à "Monsieur le Marquis de Rosmadec, à sa maison, au Tre-Coat",

......Je ne suis pas informé de l'embrazement et fonte de la pyramide de plomb qui estoit sur l'église de St-Corentin , arrivé l'an 1620 ; si vous sçavés les particularités, je vous supplie de m'en instruire. Je ne manqueray à mettre vostre réception en vostre ville et gouvernement de Kemper-Corentin , selon l'ordre et avec les particularités que vous m'avez articulez....


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Article de G. Milin dans le Bulletin de la Société Académique de Bretagne, (1864-1865) présentant la gwerz et le canard.

La Revue de Bretagne et de Vendée (octobre 1857), page 425, a reproduit une lettre du R. P. Albert le Grand, de 1636, adressée à M. le marquis de Rosmadec, à sa maison de Trécoat. Cette lettre exprime ainsi dans un de ses paragraphes: " Je ne suis pas informé de l'embrazement et fonte de la " pyramide de plomb qui estoit sur l'église de Saint-Corentin arrivé en l'an 1620; si vous sçavés les particularités, je vous " supplie de m'en instruire. "

Au moment où la Revue de Bretagne et de Vendée publiait cette lettre, une jeune et pauvre mendiante, Perrine Poder, du Ponthou, près Morlaix, me récitait, à Brest, sur la route de Paris, les vers qui vont suivre et qui font connaître les particularités que demandait si instamment le R. P. Albert. Le Dictionnaire géographique et historique d'Ogée, édition de 1843, parle aussi de la fonte de cette tour, à l'article Quimper, événements depuis l'an 1600 jusqu'à nos jours. On y lit au 2e volume, page 425 : " 1620. - L'aiguille de plomb au centre de la croisée de la cathédrale est, dit Albert le Grand, fondue par un étrange accident. " Cet accident quel est-il ?. Il le laisse ignorer. Malgré ce silence, les paroles rapportées par Ogée suffisent pour faire croire que le marquis de Rosmadec répondit à l'auteur de la Vie des Saints de Bretagne et que ce dernier, vu les particularités étranges de cet incendie, n'aura pas jugé bon de les révéler au public. On ne dut pas cependant les ignorer à Quimper, et cette légende est une preuve que les esprits s'en occupèrent à l'époque. Quoi qu'il en soit, que cette pyramide ait été brûlée par la foudre (chose rare dans notre pays, le 25 décembre) ou autrement, toujours est-il qu'on peut en attribuer la disparition à un juste châtiment du Ciel pour l'indigne profanation qui s'y commettait, au-dessus des voûtes sacrées, au moment où se célébrait la plus auguste et la plus sainte des cérémonies. Cette conclusion semble découler naturellement du texte de cette légende, empreinte d'ailleurs de l'esprit du XVIIème siècle et tracée, je n'en doute pas, sur le théâtre de l'événement par un spectateur dont l'imagination devait être bouleversée à la vue de cette tour en feu projetant, dans la inuit, sa sinistre clarté sur la ville. D'après cela, il n'est pas étonnant que le feu, signalé aux habitants de Quimper par un enfant à la mamelle, apparaisse au narrateur comme une flamme allumée par Satan, figuré au sommet de la pyramide par un milan tout rouge et les yeux dardant des éclairs. Le plus hardi parmi trente-et-un prêtres, le curé de Quimper, monte le premier dans la tour, interroge le Démon et lui demande ce qu'il cherche autour de sa maison. Le rouge esprit répond au curé que son église est profanée par deux clercs et une fille débauchée dans la chambre de la Tour, la nuit de Noël. Forcé au nom des prophètes de dire encore la vérité, il déclare ensuite qu'il faut empêcher les sonneurs de faire danser, qu'il faut ouvrir à Quimper une mission prêchée par un évêque breton, enfin il termine en disant que ce qu'il y a de mieux pour éteindre le feu, est du pain de seigle et du lait du sein d'une fille de dix-huit ans. Voilà le résumé de cette légende qui révèle après 244 ans le mystère du drame qui se passa dans la chambre de la Tour de Plomb, à Quimper, la nuit de Noël de 1620. Ainsi arrive-t-il souvent dans notre pays . la mémoire du peuple supplée au silence de l'histoire.

Ce document, dont nous devons la communication à notre confrère M. Mauriès, sous-bibliothécaire de la ville de Brest, nous a semblé, en raison de sa rareté, devoir être reproduit ici, comme confirmation de la légende elle-même dont il n'est, à bien dire, qu'une variante. Cette version serait-elle la réponse du marquis de Rosmadec à la lettre du R. P. Albert le Grand, de Morlaix? On pourrait le croire, si certains détails intimes de la légende, si les dates différentes (1er février et 25 décembre) pouvaient faire supposer que le gouverneur de Quimper ne connaissait pas le jour précis de l'incendie de la tour de plomb et qu'il était moins bien informé que l'auteur de la composition bretonne.

Dornskridou Milin : Kanaouennou (G. MILIN, MS.2 CHANT 47.81, GWERIN HY 1961

ANN TOUR PLOMB

 Kenta welaz ann tan e tour ploum
Oa eur bugel bihan var breac'h he vamm

A lavaraz da Gemperiz
Ema 'n tan enn hoc'h iliz

Ema ann tan en daou goste
Siouaz e kreiz ema ive

Kriz vije r galoun na welje
En iliz Kemper neb vije

O welet ar zent ar zentezed
Deut tout en dro d'ar vered

Nen deuz,manet hini enni
Nemet imach ar grucifî
Ann tan violant en dro dezhi

Kriz vije ar galoun na welje
En porched Kemper neb a vije

O welet.ar werc'hez vari
O renkout kuitaat er meaz e zi

Ar groaz hag ar banier endro dezhi
Ann tan violant endro d'ezhi

Kriz vije ar galoun na velje
E porched Kemper neb a vije

O welet eur beleg ha tregont
Hag hi tout oc'h en em respount

Da c'hout pini. oa ar savanta
A bignfe en tour da genta

Persoun Kemper eo ann hardisa
Ennhez a bign en tour da genta

Persoun Kemper a lavare
Hag en tour na dre ma pigne

Ann tour n'euz den evit,mont ennhan
Gant ar ploum bervet o tivera
E leac'h ma kouez leski a ra,

Persoun Kemper a c'houlenne
Dioc'h ann aerouant p'he conjure

Petra glaskez var dro va zi
Me ne dann ket war dro da hini

Da iliz a zo interdizet.
Gant eur plac'h fall ha daou gloarek
E kramp an tour enn noz nedelek

Ema ann aerouant war bek ann tour
Ema eno evel eux skour

Ema hen ru evel ar goad
Teuler a ra 'n tan euz he zaoulagad

Persoun Kemper a lavare
Dioc'h.ann aerouant pa gonjure

Aerouant din leveret
Petra lavar ar brofeded

Miret oc'h ar zonerien da zon
Ha digas e Kemper au mission

Kenta lazo ann tan enn tour ploum
Bara zegal ha leaz bronn

Leaz a zivron eur wrec'h triouac'h vloaz
Ne oufet ket biken kouet gwell tra

 Le premier qui vit le feu dans la tour de plomb
Etait un enfant au sein

Il dit aux Quimpérois
Le feu est dans votre église

Le feu est des deux côtés
Hélas , il est aussi au milieu

Dur aurait été le cœur qui n'aurait pleuré
Dans l'église de Quimper qui aurait été

Voyant les saints et les saintes
Venir tous autour du cimetière

Il n'en est resté aucun dedans
Sauf l'image du crucifix
Un feu violant autour de lui

Dur aurait été le cœur qui n'aurait pleuré
Dans le porche de Quimper qui aurait été

Voyant la Vierge Marie
Obligée de sortir de chez elle

Entourée par la croix et la bannière
Un feu violent autour d'elle

Dur aurait été le cœur qui n'aurait pleuré
Dans le porche de Quimper qui aurait été

Voyant 31 prêtres
Se répondant tous les uns aux autres

Pour savoir qui était le plus savant
Pour monter dans la tour le premier

Le curé de Quimper était le plus courageux
Celui là est monté dans la tour le premier

Le curé de Quimper disait
Dans la tour en montant

La tour, il n'y a personne pour y monter
Avec le plomb fondu qui coule
Où il tombe, il brûle

Le curé de Quimper demandait
Au démon qu'il conjurait

Que cherches-tu autour de ma maison
Je ne vais pas autour de la tienne

Ton église est profanée
Par une mauvaise fille et deux clercs
Dans la chambre de la tour, la nuit de Noël

Le démon est en haut de la tour
Il y est comme un milan

Il est rouge comme le sang
Le feu jaillit de ses yeux

Le curé de Quimper disait
Au démon qu'il conjurait

Démon, dites-moi
Que disent les prophètes

Empêcher les sonneurs de sonner
et envoyer à Quimper une mission

Ce qui éteindra en premier le feu dans la tour de plomb
(sera) du pain de seigle et du lait de femme

Du lait des deux seins d'une fille de 18 ans
On ne saurait trouver meilleure chose



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Illustration d'un assassinat raconté par d'un canard du 17ème siècle


Texte de l'occasionnel en français, dans la version rapportée par Langlet-Dufresnoy en 1751

 

LA VISION PUBLIQUE D'UN HORRIBLE ET TRES EPOUVANTABLE DEMON, SUR L'EGLISE CATHEDRALE DE QUIMPER-CORENTIN, EN BRETAGNE, LE PREMIER JOUR DE CE MOIS DE FEVRIER 1620.

Lequel Démon consuma une pyramide par le feu, et y survint un grand tonnerre et feu du Ciel

A Paris, chez Abraham Saugrain, en l'Isle du Palais, jouxte la copie imprimée à Rennes par Jean Durand, Imprimeur et Libraire, rue Saint Thomas, près les Carmes. - 1620

Samedi, premier jour de février 1620, advint un grand malheur et désastre en la ville de Quimpercorentin ; c'est qu'une belle et haute pyramide couverte de plomb, étant sur la nef de la grande église, et sur la croisée de ladite nef, fut toute brûlée par la foudre et feu du ciel, depuis le haut jusques ladite nef, sans pouvoir y apporter aucun remède. Et pour savoir le commencement et la fin, c'est que ledit jour, sur les sept heures et demie tendant à huit heures du matin, se fit un coup de tonnerre et éclairs terribles entr'autres ; et à l'instant, fut visiblement vu un démon horrible et épouvantable, en faveur d'une grande onde de grêle, se saisir de ladite pyramide par le haut et au dessous de la croix, étant ledit démon de couleur verte, ayant une longue queue de pareille couleur. Aucun feu ni fumée n'apparut sur ladite pyramide, qu'il ne fut près d'une heure après-midi, que la fumée commença à sortir du haut d'icelle, et dura fumant un quart d'heure; et du même endroit commença le feu à paraître peu à peu, en augmentant toujours, ainsi qu'il dévalait du haut en bas; tellement qu'il se fit si grand et si épouvantable, que l'on craignait que toute l'église fut brûlée, et non seulement l'église, mais aussi toute la ville. Tous les trésors de ladite église furent tirés hors ; les voisins d'icelle faisaient transporter leurs biens le pus loin qu'ils pouvaient, de peur du feu. Il y avait plus de quatre cents hommes pour éteindre ledit feu, et n'y pouvaient rien faire. Des processions allèrent à l'entour de l'église et autres églises, chacune en prière. Enfin ce feu allait toujours augmentant, ainsi qu'il trouvait plus de bois. Finalement, pour toute résolution, on eût recours à faire mettre des reliques saintes sur la nef de ladite église, près et au-devant du feu. Messieurs du chapitre (en l'absence de Monseigneur l'Evêque), commencèrent à conjurer ce méchant démon, que chacun voyait appertement dans le feu, tantôt vert, jaune et bleu, jetant des Agnus Dei dans icelui, et près de cent cinquante barriques d'eau, quarante ou cinquante charretées de fumier, et néanmoins le feu continuait. Et pour dernière résolution l'on fit jeter un pain de seigle de quatre sols, dans lequel on y mit une hostie consacrée, puis on prit de l'eau bénite avec du lait d'une femme nourrice , de bonne vie, et tout cela jeté dans le feu ; tout aussitôt le démon fut contraint de quitter le feu ; et avant de sortir, il fit si grand remue-ménage, que l'on semblait être tous brûlés, et sortit à six heures et demie du soir dudit jour, sans faire aucun mal (Dieu mercy) que la totale ruine de ladite pyramide, qui est de conséquence de douze mille écus au moins.
Ce méchant étant dehors, on eut la raison du feu. Et peu de temps après, ledit pain de seigle se trouva encore en essence, sans être aucunement endommagé, fors que la croûte était un peu noire.
Et sur les huit heures ou neuf heures et demie, après que tout le feu fut éteint, la cloche sonna pour amasser le peuple, afin de rendre grâces à Dieu.
Messieurs du chapitre, avec les choristes et les musiciens, chantèrent le Te Deum et un Stabat Mater, dans la chapelle de la Trinité, à neuf heures du soir.
Il n'est pas possible de voir chose plus horrible et épouvantable que ledit feu.

Nota : le terme 'pyramide' désigne ici un clocher.

 

Cathèdrale de Quimper au début du 19ème siècle

Gravure extraite de "la Bretagne ancienne et moderne de Pitre-Chevalier.


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Texte de l'occasionnel en français, dans la version originale de 1620

Le Grand Feu, tonnerre et foudre du Ciel, advenus sur l'Eglise Cathédrale de QuimperCorentin en Basse Bretainne
Ensemble, la vision publique d'un horrible & tres espouvantable Demon sur ladite Eglise dans ledit feu, le premier iour de Fevrier 1620

Samedy premier jour de Fevrier mil six cens vingt advint un grand malheur et desastre en la ville de quimpercorentin c'est une belle et haute Pyramide couverte de plomb estant sur la nef de la grande Eglise et sur la croisee de la dite nef, fut toute brulee par la foudre et le feu du Ciel, depuis le haut jusques à ladite nef, sans pouvoir y apporter aucun remede. Et pour sçavoir le commencement et la fin, c'est que ledit jour sur les sept heures tendant à huict du matin, se fit un coup de tonnerre et éclairs terribles entre autres : et à l'instant fut visiblement veu un demon horrible et espouvantable en faveur d'une grande onde de gresle se saisir de ladite Pyramide par le haut et au-dessous de la Croix, estant ledit demon, de couleur verte, ayant une longue queuë de pareille couleur. Aucun feu ny fumée n'apparut sur ladite pyramide qu'il ne fust pres d'une heure apres midy, que la fumee commença à sortir du haut d'icelle, et dura fumant un quart d'heure : et du mesme endroict commença le feu à paroistre peu à peu en augmentant tousjours ainsi que il devaloit de haut en bas : tellement qu'il se fit si grand et si espouvantable que l'on craignoit que toute l'Eglise fust brulee, et non seulement l'Eglise, mais aussi toute la ville tous les tresors de ladite Eglise furent tirez hors : les voisins d'icelle faisoient transporter leurs biens le plus loing que ils pouvoient de peur du feu. Il y avoit plus de quatre cens hommes pour devoir tuer le feu et n'y pouvoient rien faire. Les Processions allerent à l'entour de l'Eglise et aux autre Eglises chacun en priere. Enfin ce feu alloit tousjours en augmentant ainsi qu'il trouva plus de bois. Finalement pour toute resolution on eu recours à faire mettre des Reliques sainctes sur la nef de ladite Eglise pres et au devant du feu.
Messieurs du Chapitre commencerent à conjurer ce meschant Demon, que chacun voyoit apertement dans le feu, tantost vert tantost jaune tantost bleu, jetant des Agnus Dei dans iceluy, et plus de cent cinquante barriques d'eau, quarante ou cinquante chartees de fumier, et neantmois le feu continuoit.
Et pour derniere resolution l'on fit jeter un pain de seigle de quatre solds, dans lequel on y mit une Hostie consacrée puis on print de l'eau beniste et la jeta non dans le feu, tout aussi tost le Demon fut contrainct de quitter le feu : et avant que de sortir il fit un si grand remu-mesnage, que l'on sembloit estre tous bruslex, et qu'il devoit emporter l'Eglise et tout avec luy : Et en sifflant il sortit a six heures et demie du soir dudit jour, sans faire autre mal (Dieu mercy) que la totale ruine de ladite Pyramide, qui est de consequence de douze mille escus du moins
Ce meschant estant hors, on eut raison du feu.
Et peu de temps apres ledit pain de seigle se trouva encore en la mesme essence qu'il estoit, sans estre aucunement endommagé, fort que la croute estoit un peu noire
Et sur les sept ou huict heures et demie apres que tout le feu fus esteint, la cloche sonna pour amasser le peuple, afin de rendre graces à Dieu.
Messieurs du Chapitre avec les Choristes et Musiciens chanterent le Te Deum et un Stabat mater dans la Chapelle de la Trinité, à neuf heures du soir.
Graces à Dieu il n'est mort personne, fors trois ou quatre blessez.
Il n'est pas possible de voir chose plus horrible et plus espouvantable qu'estoit ledit feu


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Extrait de la Monographie de la Cathédrale de Quimper de LE MENN, passage consacré à la Tour de Plomb.

LA FLÈCHE CENTRALE EN PLOMB.

Peu de personnes se doutent qu'une flèche en charpente recouverte de plomb, s'élevait autrefois au centre de l'église. Cependant si l'on prend la peine de visiter les combles de la cathédrale, on remarque, dans la partie qui correspond à la croisée du transsept, les poutres qui servaient de base à cette flèche, et qui portent encore les traces de l'incendie qui la détruisit au XVIIE siècle.

Elle fut construite, comme je l'ai dit plus haut, page 116, en 1468, et si l'on en juge par les détails du compte qui mentionne sa construction, elle devait richement ornée d'arcatures et de pinacles. Ce fut le 1er février 1620 qu'elle fut frappée par la foudre, et entièrement détruite. Cet événement, dans lequel l'imagination populaire, fortement frappée, crut voir des phénomènes surnaturels, causa un grand émoi, non-seulement à Quimper, mais dans toute la Bretagne. De curieuses relations de ce sinistre furent imprimées à Quimper, à Rennes et à Paris. Voici le texte d'une de ces relations qui sont devenues fort rares (Recueil de dissertations anciennes et nouvelles sur les apparitions, les visions et les songes par l'abbé, Langlet-Dufrenoy, 1751).

Je doute que le chapitre de Quimper partageât la croyance publique ait sujet de l'intervention du diable dans cet incendie, du moins ne trouve-t-on rien qui autorise à le penser, dans la délibération capitulaire .suivante, qui fut prise quelques jours après :

Ce jour septiesme de febvrier, 1620, en chapitre où estoient présentz vénérables et discretz messires, Jean Brient, archidiacre de Cornouaille, Alain Collet, trésaurier, Jean Foxus, archidiacre de Pochaër, Jean du Marchallec'h, Mathurin Roville, Philippes Yon, Germain Kerguelen, Jacques L'Honoré, Julien Le Texier, et Jean Roville, toutz chanoines et capitulans, a esté délibéré que ledit Kerguelen, à présent fabricque, faira faire un livre, auquel seront rapportées cy après, les délibérations desditz capitulans, concernantes les réparations et restauration des ruines nouvellement arrivées par le tonerre et feu à leur église cathédrale; et que en attendant un fond plus ample, pour lesdites repparations iceluy Kerguelen prendera d'avecques ledit L'Honoré, soixante dix escus qu'il doibt de reste pour la ferme de l'annate de la paroisse de Loctudy: audit Yon, comme précédant fabricque ; et a esté ordonné audit Kerguelen, de distribuer la somme de trente deux livres tournoises, entre les ouvriers blécés, et qui se seroint exposés au péril et danger de leur vie, pour estaindre le feu et garantir ladite église, suivant le mémoire et taxe faict et leu (lu) en la présance desditz capitulantz

La flèche incendiée ne fut pas rétablie. J'ai exprimé plus haut, mais sous forme de conjecture, l'opinion que le plomb provenant de cette flèche avait pu être utilisé pour recouvrir les toits pointus qui surmontaient les amorces des flèches des tours de la cathédrale.

Cette opinion trouve quelque appui dans une délibération capitulaire du vendredi 24 octobre 1625, qui ordonne " que le fer, procédant de l'incendie de la Tour de Saint-Corentin, seroit vandu au plus donnant et dernier enchérisseur. ". Puisque le plomb ne fut pas vendu, il dût être utilisé par le chapitre ; et je ne pense pas qu'il ait pu en faire un emploi autre que celui que je viens d'indiquer.

 

En annexe de cette page, Le Menn cite le collectage de la gwerz par Milin et donne ses arguments en faveur d'un "pastiche".

Le Bulletin de la Société académique de Brest, t.IV, p. 95, a publié une version de cette relation, inspirée à Paris en 1620 et qui diffère fort peu de la version donnée ici. M. Milin a fait précéder ce document d'un Chant populaire breton intitulé : Ann Tour plom (la Tour de plomb, qu'il avait recueilli au mois d'octobre 1854 de la bouche , d'une jeune et pauvre mendiante, nommée Perrine Poder, du Ponthou, près Morlaix." Cette légende qui place, l'incendie de la tour de plomb, le 25 décembre, tandis qu'il résulte de la relation ci-dessus et des registres des délibérations du chapitre de Quimper, qu'il eut lieu le 1er février, attribue ce sinistre à , un crime commis par deux clercs et une fille débauchée, dans la chambre de la Tour, la nuit de Noël. Il suffit de lire cette pièce pour voir que c'est un pastiche des plus grossiers, et que la bonne foi de M.Milin a été surprise, en l'acceptant comme authentique. On y parle du " curé de Quimper ".Or il n'y avait pas à cette époque de " curé de Quimper ; " c'était le chapitre qui en faisait les fonctions. On y parle de " la chambre de la Tour, à laquelle monte le curé de Quimper " Or, il n'y avait dans la tour incendiée ni chambre ni escalier pour y monter, puisque c'était une simple flèche en bois qui s'élevait au dessus de la toiture de l'église. Il est clair que le maladroit auteur de ce pastiche, ignorait l'existence de cette flèche centrale, et qu'il s'est imaginé que l'incendie avait eu lieu dans une des tours occidentales de la cathédrale.


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Extrait de la "Gallia Typographica", tome consacré à la Bretagne, notice concernant Pierre Jean Durand, éditeur du canard en français sur l'incendie :

DURAND (Les) [Lat, : Durandus], imprimeurs à Rennes (1619-I730)-

Trois typographes de ce nom ont exercé leur art dans la capitale de la Bretagne ; je vais les présenter successivement, mais, comme on le verra, l'identité du premier d'entre eux n'est pas sans offrir quelques difficultés.

PIERRE-JEAN (1619-1643) D'après le registre de la Communauté aujourd'hui perdu, " Pierre-Jean Durand, natif de Herisy-en-Brie, apprenti de Troyes en Champagne ", se serait installé à Rennes au mois d'avril 1619. On rencontre en effet, à partir de 1620, un assez grand nombre de livres imprimés dans cette ville, qui portent la souscription de Jean Durand, imprimeur et libraire, mais je n'ai vu figurer le prénom de Pierre que dans un arrêt du Conseil d'État du 22 décembre 1637. Sommes-nous donc en présence d'un seul et même personnage? c'est probable, si l'on s'en rapporte à l'indication fournie par Toussaint Gautier, mais malgré tout il est surprenant qu'un même individu se soit appelé tantôt Pierre et tantôt jean. Bref, il a signé du prénom de Jean toutes ses productions et celles-ci, comme je l'ai dit, furent assez nombreuses. Installé en effet dans la rue Saint-Thomas, à l'Image Notre-Dame, il édita un peu de tout, des livres de médecine et des ouvrages de piété, de l'art oratoire et de la poésie mais il eut surtout la bonne fortune d'être choisi par l'évêque de Rennes comme imprimeur du diocèse et cela lui permit, à l'instar de l'imprimeur de l'archevêque de Paris, de faire interdire à tous ses confrères l'impression des actes et mandements épiscopaux, catéchismes, jubilés et indulgence. Jean Durand, après une fructueuse carrière, a dû mourir vers 1643 ; il se trouva remplacé l'année suivante par un fils……


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Extrait des Veillées Bretonnes de Luzel. Passage où Garandel chante "Gwerz an Tour Plom" et dans lequel Luzel, face aux critiques techniques de Le Menn, soutient la thèse de l'authenticité de la gwerz collectée par G. Milin :

.....Dix heures ne sont pas sonnées dit Francès, et nous avons le temps d'entendre chanter ,encore quelque chose, avant d'aller nous coucher. Vous savez beaucoup de gwerziou et de soniou, Garandel ?
- Certainement que j'en sais beaucoup , assez pour vous chanter, sans discontinuer, pendant huit veillées de suite.
- Eh bien, chantez-nous un beau gwerz, ou un joli sône.

- Que vous chanterai-je bien ? Connaissez-vous le gwerz de l'incendie de la Tour de plomb ?

- Non, chantez-nous le.

Et Garandel chanta ce qui suit......

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

- J'ai là-haut, - dit Francès, quand Garandel eut fini de chanter, -- un vieux livre dans lequel est aussi rapportée l'histoire de l'incendie de la Tour de plomb, telle à peu près que vous venez de l'entendre, dans le gwerz de Garandel. Je vais le chercher pour vous, lire le passage, et vous verrez.

Et Françès monta à sa chambre et descendit bientôt avec un vieux livre portant le titre suivant :

Recueil de Dissertations anciennes et nouvelles sur les apparitions, les visions et les songes, par l'abbé Lenglet-Dufresnoy. -- Avignon, 1751.

Et il y lut la relation suivante, en la traduisant en breton, afin d'être compris de tout l'auditoire. Cette relation ne fait aucune mention de l'orgie des deux clercs et de la fille mauvaise, dans la tour, pendant la nuit de Noël. Mais le feu du ciel frappant une église, bien plus, la cathédrale de Saint Corentin ému et troubla à un tel point nos bonnes populations rurales, que, comme presque toujours en pareil cas, elles inventèrent cette Faible pour expliquer et justifier, en quelque sorte. la colère divine.

La veillée finit sur cette lecture de Francès.....

Note de pied de page dans laquelle Luzel défend Milin

Ce n'est pas la grande tour de la cathédrale de Quimper, comme on pourrait le croire d'après le gwerz breton, qui fut frappée par le feu du ciel, mais bien une simple pyramide ou flèche en bois, recouverte de plomb, et qui s'élevait au-dessus de la toiture de l'église, dans la partie qui correspond à la croisée du transsept.

L'incendie de la Tour de plomb, amplifié et transformé par l'imagination populaire, fournit matière à plusieurs relations plus fantastiques les unes que les autres, et à un gwerz breton, au moins tout aussi merveilleux. Outre la relation de Lenglet-Dufresnoy, qu'on vient de lire, j'en connais une autre, qui en diffère très peu, imprimée à Paris, en 1620, et qui a été publiée par M. Milin, dans le Bulletin de la Société académique de Brest, tome IV, page 95.
Le gwerz breton dont nous avons donné une traduction littérale a été également recueilli par M. Milin, de la bouche d'une mendiante nommée Perrine Poder, native du Ponthou, sur la limite du Finistère et des Côtes-du-Nord. M. Le Men, dans une note de son excellente Monographie de la cathédrale de Quimper, page 221, élève des doutes sur l'authenticité de cette pièce et la qualifie de pastiche maladroit. Les raisons qu'il donne à l'appui de son opinion sont tirées des nombreuses fautes ou inexactitudes matérielles que contient le chant breton. Mais il suffit d'avoir un peu étudié la poésie populaire et surtout d'en avoir recueilli aux sources, pour savoir que les inexactitudes et les fautes matérielles les plus choquantes pour le savant, loin d'être des preuves probantes contre l'authenticité d'une pièce, témoignent souvent, an contraire, en faveur de son caractère vraiment populaire. Je crois que c'est le cas, et, que le savant archiviste est dans l'erreur quand il parle de pastiche maladroit. Je plaide, du reste, en faveur de l'authenticité du Gwerz Ann Tour Plom avec d'autant plus d'assurance, que je me rappelle très bien l'avoir moi-même entendu chanter, par l'aveugle Garandel, aux veillées de Kerarborn, en Plouaret, vers 1836 on 1837.

Je ne le recueillis pas alors, et je le regrette, car, plus tard, je n'ai pu le retrouver. C'est, je crois, le seul exemple d'un chant breton entendu dans mon enfance ou ma jeunesse et que je n'ai pu arriver à découvrir postérieurement, quand je me suis occupé de recueillir les chants et autres traditions populaires et orales des Bretons-Armoricains. Dernièrement encore, j'ai fait des recherches, à Morlaix, ou plusieurs personnes m'ont affirmé avoir entendu chanter Gwerz Ann Tour Plom, mais aucune n'a pu m'en donner autre chose qu'un canevas incomplet et quelques vers isolés.
Je crois que le gwerz a dû être composé, tôt après l'événement, dans les environs de Morlaix, ou dans les Côtes-du-Nord, sur les limites de ce département et du Finistère, non par un témoin oculaire, mais d'après des rapports inexacts et altérés par la tradition orale. Ainsi , s'expliquerait facilement la confusion faite par le poète populaire d'une simple pyramide ou flèche en bois appelée Ann Tour Plomb, avec la grande tour de la cathédrale de Quimper. Et quant à la fable du sacrilège commis dans la chambre de la tour, laquelle chambre n'existait pas, elle a son origine, comme je l'ai déjà dit, dans le besoin d'expliquer et de justifier aux yeux du peuple la colère du ciel frappant la basilique de Saint Corentin, patron de la Cornouaille.


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Biographie de J.M. de Penguern (extrait de Dastumad Penwern, Dastum 1983)

J.M. de Penguern est né le 26 juin 1807 à Paris. Après des études partagées entre la Bretagne et Paris, il se dirige vers la profession d'avocat faisant ainsi suite à son père qu'on retrouve magistrat à Morlaix en 1810, puis président du Tribunal de Châteaulin en 1813 et à Lannion de 1818 à 1843. J.M.de Penguern prête serment d'avocat en 1832 à Rennes……

…..Le 23 mai 1838, de Penguern épouse Joséphine de Kerléan de Taulé. Nommé juge de paix à Perros-Guirrec le 14 janvier 1840, il abandonne son poste le 27 juillet 1843 pour raisons de famille et va s'installer à Lannion où il reprend sa profession d'avocat…..

Il semble que ce soit durant cette période et avant sa nomination à Fougères en 1853, que J.M. de Penguern s'est livré à son important travail de collecte et de recherches. En effet, après avoir été juge et suppléant à Lannion en 1851 et candidat malchanceux au poste de Procureur de la République à Lannion, il connaît une sorte d'exil en terroir francisant alors qu'il s'était tant passionné pour la culture orale bretonnante. J.M. de Penguern demande plusieurs fois sa mutation pour Morlaix sans succès, et connaît des arrêts pour maladie à partir de 1855. Il est atteint d'ostéite coxale et considéré comme perdu dès début 1856. C'est au manoir de Gwitaole- bras (aujourd'hui Porz-bras), en Taulé, qu'il décède le 11 août 1856.

 


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Luzel, Milin et la collection Penguern... (extrait de la biographie de F.M. Luzel par F. Morvan)

……En juin 1867, en effet, Le Scour annonce à Luzel qu'il est en voie d'acquérir la collection Penguern " en ce moment aux mains de votre cousin le chanoine Daniel". Se réjouissant de cette acquisition, Le Men fait le point sur la situation : On a tant parlé de cette mystérieuse collection que personne n'avait vue queue a fini par prendre au point de vue de l'importance historique et littéraire des proportions colossales. Il serait très important que vous la vissiez le plus tôt possible avant votre premier volume de chants populaires. Ses conseils sont clairs : dresser une table de l'ensemble, en prendre copie, puis user des chants nouveaux et des versions plus complètes pour améliorer une publication qui devra chaque fois signaler l'origine des documents utilisés. Luzel, au contraire, laissera se former quelques mois plus tard, une " société pour l'achat et la publication d la collection Penguern " dont il refusera de faire partie. Il explique cette attitude de retrait, plus tard, à Gaidoz, d'une simple phrase : songeais alors à publier mes Gwerziou. Craignant l'accusation de pillage il préfère donc ignorer le travail de Penguern tant qu'il n'a pas publié son propre recueil.

D'après cette même lettre du 24 mars 1882 à Gaidoz, Jean-Marie Lejean, Adrien Raison du Cleuziou, Milin, Le Scour, Halléguen, et La Villemarqué sont allés voir la collection Penguern chez M. Gaultier du Mottay où l'abbé Daniel l'avait déposée. La société fondée à la fin du Congrès se composait de La Villemarqué, Le Scour et Halléguen. Luzel explique aussi que, par suite des marchandages de Le Scour, du Cleuziou traitant en sous-main obtint le tout pour 300 francs quelques mois plus tard et lui proposa d'être pour moitié dans l'acquisition, ce qu'il accepta, provoquant ainsi l'indignation de La Villemarqué, Le Scour et Halléguen. Ce dernier obtint par la suite de Luzel l'autorisation d'être considéré pour un tiers propriétaire de la collection, qu'il emporta et ne céda plus à personne. De guerre lasse, Luzel, puis du Cleuziou cédèrent leurs droits à Halléguen écrit Pierre Le Roux, présentant la correspondance Le Men-Luzel publiée dans les Annales de Bretagne en 1936….


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Versions collectées par J.M. Penguern

1ère Version

Dastumad Pennwern : dornskrid 89, GWERIN HY 1963, follennou 156-157

48 AN TOUR PLOMB

Jannet Puill, klaskeres a henvik 13 gwenver 1851
Jeannette Puill, mendiante d'Henvic, 13 janvier 1851

Kenta wellas an tan en tour plomb
Voa eur c'hloarek he distrei deus Rom
A lavaras da Kemperiz
E man krog an tan en ho c'hillis
E man krog an tan e bars en tour
Na vo ket lazet evid dour
Gant bara gwinis a les bron
E voa lazet an tan en tour plomb
Nag ar sakrist a lavare
Dan otrou personn eun deis a voe
Me a vel an erouan var beg an tour
Hag en enon evel eur skour
An otrou personn a lavare
Dan otrou kure eun deis a voe
Kerc'h ar siboëro hag ar sakramant
Da chasseal an erouant
An otrou kure a levere
Dan otrou person eun deis a voë
Me non ket evid entren aman
Gant ar plomb bervet e diveran
Hag e lec'h ma koues dewi a ra
An otrou personn a lavare
Dan erouant an deis a voe :
Petra klaskes war dro va zi
Me nen dan ket var dro da hini
Da di te a zo diviniget
Gant eur plac'h iaouank hag eur kloarek
O pec'hi eni noz nedelek
Le premier qui vit le feu dans la tour de plomb
Etait un séminariste de retour de Rome
Il dit aux Quimpérois
Le feu prend dans votre église
Le feu prend dans la tour
Il ne sera pas éteint par de l'eau
Avec du pain et du lait de femme
Fut éteint le feu dans la tour de plomb
Le sacristain disait
Au curé ce jour-là
Je vois le démon en haut de la tour
Et il y est comme un milan
Le curé disait
Au vicaire ce jour-là
Va chercher les ciboires et le sacrement
Pour chasser le démon
Le vicaire disait
Au curé ce jour-là
Je ne veux pas entrer ici
Avec le plomb bouillant qui ruisselle
Et qui là ou il tombe, brûle
Le curé disait
: Au démon ce jour-là
Que cherches-tu autour de ma maison
Moi je ne vais pas autour de la tienne
Ta maison est profanée
par une jeune fille et un séminariste
qui y ont péché la nuit la nuit de Noël


   2ème Version

Dastumad Pennwern dornskrid 90

GWERIN HY 1965

AN TOUR PLOM (follenn 80)

Kanet gant Moris Follezour, 25 févr 1851

3ème Version

Dastumad Pennwern dornskrid 89

GWERIN HY 1963

63. AN TOUR PLOM (follennou 203-204)

Jannet Kerguiduff, 16 janv 1851

4ème Version

Penguern MS112

Manuscrit Ollivier

Kenta vellas an tan en tour plom:
Voa eur bugel bian divar brec'h e vam.

A lavaras da Kemperis
Krog eo, an tan en ho illiz

Krog eo an tan en daou goste;
Siwas er c'hreis e zeo ive.

Me vel an erouant, var beg an tour
Ag en enon e form eur skoul.

Be zo voant c'hoec'h beleg a tregont
Hag hi enon e neum respont

E klask gout pini vije ar savantan
.Da vont var beg an;tour da zisput outan.

Person Kemper eo ar savantan
A ia var beg an tour da zisput outan

Petra klasqez vardro va zi ?,
Me ne don ket bet var dro da hini.

Ta illiz zo bed intelizet
Gant eur plac'h fall a daou kloarek
Ag a voa en tour noz Nedelek.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Kenta vellas an tan en tour plom
Eur vugel divar brec'h e vam.

Hag e lavaras da Plouberis
E man krog an tan en ho c'hillis..

Siwas-er c'hreïs e man ive.
Kris a viche ar galon na voelche
En goerret plouber an eb a vize;

E vellet tri person a tregont
Ebars ar verret oc'h e neum respont.

Da gout na pini vize an ardissa
Da pignat var an tour da genta.

Person Plouber a lavare
Ebars an tour dre ma pigne:

Me non ket evid mond aman
Gant ar plom bervet o diveran
Dre ma koue leski e ra.

E man an erouant var beg an tour
Hag en henon evel eur skour.

Petra klaskez var dro va zi
Me non ket bet en ta hini.

Ta illis a zo interdisset ..
Gant eur plac'h iaouank hag eur kloarek ,
O pec'hi.heni noz nedellek.

Kenta lazas an tan en tour plom
Voa bara segal a lez bron.

Lez a peultrin eur vreg trivarc'h bla
E vaga e bugel kenta.

Kris vije ar galon na voëlche ,
En goeret Plomber neb a vije,

E voelet ar sent ag ar sentezet
Digasset tout da gorn ar verret.

O vellet a Verc'hes Vari
Renket diloja deus e zi.

Kenta velas an tan en tour plomb
Wa eur beleg iaouank o distreï a Rom

Hah a lavaras da Quemperilis
E ze doa an tan en ho illis

Kris a vije ar galon na welje
En Kemperilis neg a vije

E veled seiz procession a tregont
Re veret assamblez oc'h e neum renkontr

Eb hini anezo na ieoe presant
Da zisput oz an aërouan

N'otrou Persoun koz a lavare
D'an aer-irwan enon neuze

Petra klaskez var dro va ilis
Me ne vezan ked var dro da di

Da ilis a zo diviniget
Gant eur plac'h fall a gant eur beleg
E Péhi enni noz nedelek

An otrou Person koz a lavare
D'an otrou Kure enon neuze

Na laka a stolen en da kerc'hen
A ta bonnet korniec var da ben
Ke da kerc'hat ostiou an offern

Non ket evid entren en illis
Gant ar plomg bervet o tivera
A dre ma kouez leski a ra

Kenta lazaz an tan en tour plomb
A voa en tam bara segal a lez bron

Eun tam bara segal konsakret
A lez deus a fetrin eur c'hreg

Ne de chomet netra da zevi
Nemed imach ar C'hrucifi
Ag imach ar Verc'hez Vari

 

Bibliographie.

- Arts et Traditions populaires, Maisonneuve et Larose, Paris.
Année XI-N°1 janvier-mars 1963, (Coll. Part TR).
Année XI-N°2 avril-juin 1963, (Coll. Part TR).
Année XI-N°3-4 juillet-décembre 1963, (Coll. Part TR).
- Monographie de la Cathédrale de Quimper, R.-F. Le Men, Jacob & Lemercier, Quimper, 1877, (Coll. Part TR).
- Revue de Bretagne et de Vendée, Tome II, 4ème livraison, octobre 1857, (Coll. Part TR).
- François-Marie Luzel -Biographie, F. Morvan, Terre de Brume, P.U. Rennes, 1999, (Coll. Part TR).
- Dastumad Penwern, Dastum, 1983, (Coll. Part TR).
- Gallia Typographica, Tome IV, G. Lepreux, Champion, 1913, (Coll. Part TR).
- Veillées Bretonnes, F.M. Luzel, Picollec, 1980, (Coll. Part TR).
- Bull. Soc. Acad. Bretagne, T IV, 1864-1865.

Remerciements à Claude-Youenn Roussel pour son assistance bibliographique

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Sites webs relatifs

Histoire de la Cathèdrale de Quimper

http://www.ouest-france.fr/cathedrale-quimper/4.htm
http://www.france-ouest.com/cathedrale-quimper/6.htm

Texte de la chanson

Article de Musique Bretonne

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